mercredi 30 avril 2008

Jour -44: Si j'avais fait ce voyage à 20 ans

0 km. Cum: 0km.

Bromont, Qc - Quelques gens de mon entourage, maintenant au courant de mon projet de voyage me mettent en garde contre les maux qui risquent de m'affliger en cours de route. "Tu vas venir écœuré", "Tu vas avoir tellement mal au derrière", "Tu fais ça tout seul?, Ça va être plate!", "Qu'est-ce que tu vas faire si tes genoux lâchent ?", "Toujours dans les restos graisseux et les motels peinards, ouache". En général, Ce sont des gens de mon âge qui offrent ces sages mises en gardes. Ils ont de l'expérience en l'existence et savent qu'il y a souvent beaucoup d'imparfait derrière le voyage parfait. Les commentaires les plus positifs, naïfs et contemplatifs viennent en général des 30 ans et moins: "Wow, un jour, je vais faire une affaire de même", "Tu vas voir pleins de trucs écœurants", "Ça va être comme un décrochage complet, vraiment le pied". Les sages précautions de la quarantaine contre les folles prétentions de la vingtaine...

Dans la vingtaine, la ligne de temps nous semble infinie. On côtoie des vieux de 40 ans et on a souvent l'impression que tout ce qu'il nous manque, c'est du cash. À moins d'avoir grandi à Ste-Justine, on a souvent aucune idée des limites de notre corps, on se sent invincible, on est encore en train d'apprivoiser notre choix de carrière et la plupart de nos choix de vie comme l'hypothèque, la vie à deux ou à un, notre rôle dans la société sont tous encore ouverts. À 40 ans, la plupart du temps, on a effectivement un peu plus de cash qu'à 20 ans, mais on a surtout 20 ans d'expérience de plus.

Et si j'avais eu cette drôle d'idée de voyage à 20 ans. En 1988, premièrement, je n'avais justement pas de cash. Tellement que je n'avais même pas de bécane. J'aurais probablement investi dans un vélo de touring, des sacoches et beaucoup d'équipement de plein-air que je n'avais pas à l'époque, car je n'aurais pu me permettre de payer l'hôtel et bouffer dans les restos. Donc, un voyage moins léger, plus long, probablement le double de la durée, ce qui le rend presque infaisable étant donné la rigueur du climat sur la route envisagée.


Prenons alors, l'hypothèse que j'aie eu assez d'argent à 20 ans. En 1988, je n'étais pas capable de courir deux kilomètres consécutifs. En 1989, j'ai fait le Tour de l'île de Montréal et j'ai trouvé ça épuisant. Deux semaines avant, j'avais fait Sherbrooke Magog "pour m'entraîner" et j'avais dû prendre une pause d'une heure à Omerville, étendu sur un terre-plein, les deux cuisses crampées comme des 2 par 4. À cette époque, je marchais dans les rues de Sherbrooke "pour la bonne forme". De mon appart, je marchais jusqu'au Dunkin Donuts et je pouvais enfiler 8 beignes en revenant... je bouffais les 4 autres de la douzaine le lendemain pour déjeuner. Voilà qu'à 40 ans, je suis 100 fois plus en forme qu'à 20 ans.

Prenons maintenant l'hypothèse que je suis suffisamment en forme à 20 ans et que j'ai le budget suffisant. En 1988, pour apporter l'équivalent de la fonctionnalité de mon Palm Treo 650 qui fait office de téléphone et d'ordi de poche (documents, accès au web, applications commerciales), j'aurais probablement dû me résigner à apporter l'ordinateur portable le plus léger du temps, le Toshiba T1200H de 14 lbs pour la modique somme de 4000$. C'était le prix à payer pour un disque dur de 20 Mo, une RAM de 1Mo et un modem pour se brancher sur CompuServe. Je ne parle pas du téléphone cellulaire analogique de 2 lbs pour la bagatelle de 2500$ (en $ de 1988). Pour ne pas me perdre, exit le GPS qui était encore un appareil d'utilisation strictement militaire à la fin de la guerre froide, j'aurais dû opter pour un atlas Rand-McNally format géant pour couvrir l'Amérique du Nord. Finalement, en1988, le iPod 60 Go n'était même pas sur les planches à dessin. Ainsi, pour pouvoir écouter un support musical (un CD en 1988), j'aurais dû apporter un Sony Discman de presque 1 lbs et surtout, pour apporter l'équivalent du contenu de mon iPod (pas encore plein), j'aurais été contraint d'apporter au moins 700 CDs et une vingtaine de bouquins. Aussi bien dire que mon voyage ultra-léger aurait nécessité rien de moins qu'une remorque.
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mardi 15 avril 2008

Jour -59: Rouler sans cause

0 km. Cum: 0km.

Bromont, Qc - Interview fictive avec l'auteur. On aura tout vu...

Pourquoi tu pars 12 semaines à vélo ?

Parce que ça se fait.

Tu fais ça pour quelle cause ?

Le plaisir.

M'semble que tu devrais faire ça pour une bonne cause. Il y a des gens qui gravissent des montagnes, courent des marathons, traversent le Canada, etc et amassent de l'argent pour un organisme, ca ne te tente pas de faire ça ?

Ce serait assez malhonnête de ma part, puisque je pars dans le seul but de me remettre le cerveau en ordre, sortir de ma routine, me défier moi-même, célébrer mes 40 ans et embrasser pleinement le quotidien à mon retour. C'est purement hédoniste, égoïste et sans aucun objectif humanitaire autre que de rendre la vie plus facile à mon entourage en assouvissant mes pulsions excessives cycliques pour demeurer sain d'esprit. C'est probablement la meilleure cause que je puisse servir pour l'instant et je serais très mal placé pour solliciter la générosité des autres pour cette seule oeuvre.

Il est effectivement courant que des organismes utilisent un accomplissement comme moyen détourné pour attirer l'attention sur leur cause et permettent de joindre l'utile à l'agréable pour des participants qui aurait probablement investi l'argent dans leur accomplissement personnel de toute façon. C'est très louable, mais ce n'est pas dans cet esprit que je pars. Je n'ai rien à "vendre" et il y a que je ne crois pas toujours à l'association de la sollicitation et de l'accomplissement personnel. Je pourrais dire que mon périple de 12000 km sans voiture va contribuer à la diminution des gaz à effets de serre et transformer ça en discours écologique. Il n'y a rien de plus faux.

Que suggères-tu, si malgré ton opinion, c'est plus fort que nous et que ce voyage nous inspire une contribution ?

Vous l'aurez voulu. Vous trouverez des liens permanents dans la colonne de droite de ce blog, dans la section Faites un don, le nom de 4 organismes que j'appuie, car ils touchent l'enfant en moi.



Fondation pour la pédiatrie sociale: La pauvreté à deux pas de nous. Des enfants qui ont souvent besoin de juste un petit peu moins de trop et un peu plus de pas assez. Le docteur Gilles Julien est dans une classe à part et mérite toute l'aide qu'il sollicite. Sa cause me fait toujours réaliser la chance que j'ai eu d'avoir un bon départ dans la vie.

Right to Play: Mon enfance aurait été pas mal plus plate sans un bâton, une rondelle ou un ballon. Right to Play est un organisme qui cible les jeunes et promouvoit le droit au jeu. Ses projets visent la création d'environnements propices au jeu dans des zones où il y a parfois plus de terrains minés que de terrains de soccer. C'est à cet organisme que Clara Hughes, la patineuse de vitesse qui a remporté un 5000m mémorable à Turin en 2006, a fait don de sa prime de médaillée (10 000$).



Leucan: Un enfant qui souffre, ça me scie en deux.



Malaria/PSI: Cette maladie tue plus d'un million de personnes par année. Le meilleur rempart (90% de réduction) contre cette maladie demeure le filet anti-moustiques. Il est couramment utilisés dans les pays touchés, mais il doit être traité à tous les cinq ans à l'aide d'un produit insecticide pour être efficace. Malgré le coût peu élevé du traitement, peu des habitants touchés peuvent se le permettre. (L'organisme PSI oeuvre dans d'autres domaines reliés à la mortalité infantile comme l'eau potable et le SIDA).

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samedi 12 avril 2008

Jour -62: La route

0 km. Cum: 0km

Bromont, Qc - Difficile de ne pas reprendre la phrase célèbre des Invincibles: "Il n'est point de réel voyage dont la destination ne soit le point de départ". C'est exactement ce que je compte faire, c'est à dire partir de chez-nous sur mon vélo et revenir par le même moyen, comme pour mes courtes randonnées à la différence que je prends 12 semaines pour revenir.

Le Québec a récemment été nommé le paradis des cyclistes par National Geographic, mais il faut avouer que pour le cycliste sur route qui désire franchir de longues distances sur des pneus étroits, la Route Verte n'est pas le meilleur choix dans plusieurs tronçons. Il faut connaître le superbe réseau de routes désignées par l'Adventure Cycling Association(ACA) aux États-Unis.

En utilisant ce réseau de routes, je prévois me rendre jusque sur la côte ouest américaine. De Bromont, j'irai jusqu'à Burlington au Vermont et rejoindrai la Northern Tier TransAmerica qui traverse les Adirondacks et l'état de New-York jusqu'à Niagara. De là, jusqu'à Erie en Pennsylvanie, où je suivrai l'Underground Railroad dans un axe Nord-Sud en Ohio et au Kentucky. Cette route suit grosso modo la route clandestine que suivaient les esclaves pour se libérer du sud avant l'abolition.

Ensuite, je planifie suivre la route 76, la TransAmerica Trail originale inaugurée en 1976. Cette route traverse le sud de l'Illinois et de l'Indiana et du Missouri, le Kansas, le Colorado, l'ouest du Wyoming, du Montana et via l'Idaho rejoint l'Oregon et se conclut à Astoria sur la côte du Pacifique. Suivre cette route de ce sens là est contraire aux vents prédominants, ce qui fait croire que je serai vent de gueule - pour paraphraser Foglia* - pour une bonne partie du trajet. Selon l'ACA, il s'agit d'un mythe, car à cette latitude, les cyclistes observent un peu de tout en terme de vent et ce sont majoritairement des vents latéraux qui risquent de me souffler dessus.

Je prévois me rendre à Vancouver en longeant la côte et le Puget Sound en face de Seattle. De Vancouver, je vais suivre la route Transcanadienne vers l'est. En Alberta, j'aimerais traverser le Icefields Parkway entre Jasper et Banff, mais rien n'est sûr. De Winnipeg, je compte retraverser au sud de la frontière pour éviter de traverser la partie ouest de l'Ontario pour piquer à travers le Minnesota, le Wisconsin et le Michigan pour rallier Sault-Ste-Marie, Ottawa et éventuellement Bromont.

Ça donne plus de 12 000 kilomètres en tout. Avec une moyenne globale de 150 km par jour, ça se coince à l'intérieur de 90 jours. Dans des randonnées antérieures, mais jamais aussi longues que celle-ci, j'avais estimé que 160 km, c'était habituellement la frontière naturelle de mon endurance à partir de laquelle le périnée et le mental commencent à chercher une halte pour la nuit. Dépendant du vent et de sa direction, du relief et de ses caprices, de la météo et ses rigueurs, du bonhomme et de ses émotions, il y aura sûrement des journées plus longues et des journées plus courtes. Les plus longues n'étant pas nécessairement celles où je couvre moins de distance...

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*Selon Pierre Foglia, en vélo, on roule avec vent de cul ou avec vent de gueule. De façon moins "poétique", on entend souvent vent de dos et vent de face. Ceux qui trouvent que le nom de ce blog est vraiment pourri, dites vous que j'ai choisi la formule "poétique" la moins pire...

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