samedi 28 juin 2008

Jour 15: 2 heures plus tard dans les maritimes

185 km. Cum: 2285 km.

Owensboro, KY - Une belle réconciliation avec l'Indiana ce matin avec un contraste important avec la laideur de la veille. Une belle campagne ondulée, aucune voiture sur 30 km sur des routes impeccables. En partant à 6:40 après un bon déjeuner, j'ai pu profiter de la fraîcheur matinale une fois de plus. Je me suis bien coltaillé avec quelques féroces canidés, mais je m'en suis bien débarrassé en jouant du sifflet vigoureusement. Je jouis littéralement de les voir reculer à chaque fois.

Au 30e kilomètre, retour au Kentucky en traversant la rivière Ohio et c'est l'adieu final à l'Indiana. Rouler sur ces routes ondulées, c'est comme voguer sur une mer bien calme avec un changement de plateau de temps en temps. Au 50e kilomètre, la mer s'est agitée, mais j'avais les jambes pour vaincre les grosses vagues. Les réserves de liquide et de nourriture ont diminué et après 90 km de beaux paysages, j'ai commencé à m'inquiéter, car je n'avais pas encore frappé de services. Sur le GPS, le village de Stephensport me donne de l'espoir, mais ça a l'air de Val-Jalbert. Au 95e, j'ai cogné à une maison privée pour avoir de l'eau et la dame a même ajouté de la glace dans ma bouteille. Finalement, au 115e km, une station d'essence avec bouffe et tout le kit. Wow.

15km après m'être empiffré comme il faut, le gros nuage noir me traque et ça commence à gronder. Je grimpe un mur et le Riverview Restaurant, tel un oasis, s'offre comme l'abri par excellence. Un dessert tant qu'à faire. Une heure et trois orages plus tard, je retourne sur la route. Le vent a alors pris du pic. À Owensboro, à l'aide du GPS, j'essaie de trouver un motel. Je suis les directives et arrive dans un quartier qui ressemble à Hochelaga-Maisonneuve. J'en ai vu d'autres. Je choisis le Colonel House. Holy... Dans l'office, la chicane poigne entre la fille et la mère, lancer de la sacoche, ça pue le vieux tapis, la cigarette et le chat qui a pissé. La clé est sans porte-clés et ils ont de la misère à trouver du change pour mon 50$. C'est 35$. Je me rends à la chambre en dérangeant quelques ex-prisonniers assis sur le balcon et je rentre dans ma chambre. Holy... Je fais le tour, un gros frigo sale, un micro-ondes avec du duct-tape, l'air climatisé défoncé, pas de lumière... Holy... Je fais ni un ni deux, je redérange les ex-prisonniers, je me remets en selle sur Cannondale et requestionne le GPS pour quelque chose de plus normal en gardant la clé (pourquoi, je ne le sais pas, mais il me semble que c'était en cas de ne rien trouver d'autres). Comparé à ici, le Englewood Motel à 31$, c'était le Hilton...

J'ai atterri au Days Inn, avec l'autre clé, dépouillé de 35$, mais je ne retourne pas là pour 35$. C'est le prix à payer pour apprendre à ne jamais choisir un motel qui loue à la semaine et comme me disait le préposé au Days Inn, jamais de tarif à l'heure non-plus... :-) Quelque part sur la route, j'ai traversé dans la Central Time Zone, alors je suis maintenant déphasé d'une heure avec vous (pour ceux qui me lisent du Québec).

Je me suis rendu compte que j'étais définitivement déshydraté dans les derniers jours, car aujourd'hui, je suis en forme comme aux premiers jours, après avoir pris soin de m'hydrater. Sans vraiment avoir été découragé, j'étais fatigué. Aujourd'hui, c'est la joie totale, malgré toutes mes aventures. Vent de sérénité.

37.7327, -87.0901

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vendredi 27 juin 2008

Jour 14: Éloge de la laideur


137 km. Cum: 2100 km.

Corydon, IN - Rien ne sert de courir, suffit de partir à point. 6:30 sur le vélo. Je voulais partir plus tôt, mais comme je suis à l'extrême ouest du fuseau horaire de l'est, le soleil se lève à 6:18 et rouler avant que le soleil soit levé dans le trafic à 2000 km de chez-nous, ce n'est pas prudent. J'ai pu rouler dans la fraîcheur matinale assez longtemps et quel salut, ce fut plutôt nuageux, ce qui m'a épargné de la grosse chaleur accablante. J'ai même été gratifié d'une averse assez drue, mais j'aime mieux ça que 95F.

J'ai beau y penser, mais je ne peux vous décrire un moment vraiment intéressant aujourd'hui. Bien sûr, quelques belles cabanes ici et là, un coteau tout orné de blé et quelques passages sous la charmille de grands chênes, mais pour l'essentiel de la journée, du laid, de l'horrible et du pas beau. Voies ferrées, grues, tracteurs, moissonneuses, parcs industriels, industrie lourde sur la rive de l'Ohio, des vaches toutes noires, des bords d'autoroutes... j'ai même été doublé par un camion de viande non-comestible. (de la charogne, si vous préférez). J'ai aperçu Louisville, KY à partir de Jeffersonville (le Longueuil de Louisville) qui n'a pas vraiment fait de gros efforts pour valoriser sa rive. Comme le dit si bien Jean Leloup: "Le martyr le pire qu'on puisse endurer n'est-il pas avant tout la laideur chronique", mais c'est la poésie de Daniel Bélanger qui m'inspire aujourd'hui: "Quand j'roule à vélo, la tête dans les étoiles et dans le vide, le temps est court, j'hallucine... ...je suis invincible, intouchable et immortel."

Vous ai-je déjà parlé de ma théorie des plaisirs coupables ? Eh bien, j'ai été en mesure de la mesurer pleinement aujourd'hui. En vélo de route, on a une vue imprenable sur les détritus qui ornent le bas-côté des routes et croyez moi, il y en a. J'en suis venu à me demander comment ça se fait qu'il y a autant de ces cochonneries dans le fossé, car il ne me viendrait jamais à l'idée de balancer mes déchets hors de la voiture quand je peux m'en débarrasser à la maison. Il suffit d'analyser le contenu de ces déchets pour se rendre compte qu'il n'y a jamais de contenants de jus d'orange ou de yogourt, ce sont toujours des choses comme des canettes de bières, des sacs de fast-food, des paquets de cigarettes, bref tout ce qui ne doit pas revenir à la maison pour quelqu'un qui les consomme à la cachette. De là, ma théorie des plaisirs coupables. Ce sont tous des mensonges qui reposent là dans le fossé: Chéri, je ne fume plus, je continue mon régime, le lunch que tu m'as préparé était bon et non, je ne vais plus au McDo... Je commençais à trouver qu'il y avait beaucoup moins de déchets ici qu'au Québec, ce qui me faisait croire que le fort héritage judéo-chrétien avait un ascendant important sur la culpabilité, mais il y a aux USA les fameux programmes de nettoyage des routes par des organismes à but non-lucratif (Adopt-a-Highway), mais ça n'a pas l'air à marcher fort en Indiana.

Je voudrais souligner l'initiative de Eric Garant qui trace mes points de passage sur une carte dans Google. Merci Eric.

La météo m'a favorisé aujourd'hui et ça a vraiment paru dans ma forme physique. Je me suis arrêté ici, à Corydon, mais j'avais encore 20 ou 30 km dans les jambes, seulement aucun autre hôtel ne se pointe avant 50 km, alors on fait avec, comme il faut apprendre à s'adapter aux éléments et accepter l'environnement dans lequel on évolue, que ce soit des orages, de la chaleur accablante, de la grêle ou une route barrée. Vent de résignation.

38.2332, -86.1345


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jeudi 26 juin 2008

Jour 13: Extra

1) Le motel a l'air normal (vs le film Vacancy) et j'ai vérifié le conduit d'aération et il n'y a pas de cash caché... (No Country for Old Men).


2) Quelqu'un pourrait-il me dire d'où vient le bâton dans l'expression "Final bâton" ?


3) Entendu dans mon iPod aujourd'hui: "Être sédentaire, c'est dans tête qu' c'est dangereux..." (Loco Locass).

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Jour 13: Indiana

104 km. Cum: 1963 km.


Madison, IN - Hier, quelques cabots en liberté m'ont rappelé que j'avais lu que le Kentucky n'était pas célèbre que pour son Derby chevaleresque, mais aussi pour les chiens pas attachés. Ce matin, j'ai eu la bonne intuition de m'accrocher l'arme secrète dans le cou. Dans les 30 premiers km, pas moins de 5 molosses m'ont donné la frousse. Quel plaisir de les voir mettre les freins aux quatre pattes quand je fais retentir le sifflet. Je craignais que ce soit inefficace, mais tant mieux ça fonctionne. Jusqu'à ce que je tombe sur un chien sourd, mais ça c'est peu probable. Je ne serais pas surpris qu'un sifflet retentisse bientôt sur la rue de la Couronne à Bromont, maintenant que Monia sait que ça marche.


J'ai dû tracer un nouveau chemin pour retourner sur la route planifiée, ayant dévié hier pour me rendre à l'hôtel. Ça m'a fait découvrir que le Kentucky est "plissé" perpendiculairement à l'Estrie. Ici, les vallées sont orientées est-ouest. J'ai fait 35 km nord-sud et j'ai dû me taper des grimpes d'enfer. J'ai dû mouliner 2 Joy Hill pour ceux qui connaissent...


De Glencoe, j'ai traversé un chapelet de petits hameaux en longeant une voie ferrée et éventuellement la rivière Ohio qui m'accompagne encore pour un bon petit bout. À Milton, je traverse la rivière et me voici à Madison en Indiana où pour éviter le gros trafic, on doit faire 4 km vers le nord et devinez quoi, ça monte en lacets. Il est 13 heures, il fait 95F et l'humidité est dans le tapis. Mon casque goutte à tous les coups de pédale. Arrivé sur la crête, quand j'ai vu Englewood Motel, j'ai abdiqué pour aujourd'hui. Tenez vous bien: 31$. Ce soir, je vais probablement me rendre compte que je suis poigné comme dans le film Vacancy. Un film désopilant dans lequel un couple se voit contraint de louer une chambre dans un motel qui est en fait un studio artisanal pour filmer de violents assauts sur les clients. Je vous propose plutôt The Bucket List avec Morgan Freeman et Jack Nicholson, un film dont la morale est de réaliser ses rêves avant de crever. C'est prévisible, mais jamais cucul.


Ce matin, j'ai levé l'ancre à 7:00, mais je dois probablement partir encore plus tôt dans cette chaleur accablante. Je dois m'y faire, car tant que je n'aurai pas traversé le fleuve Mississippi, je serai pris avec cette chaleur humide. Quand le corps le demande, il faut se calmer le ponpon. Vent de léthargie.


38.7762, -85.3879



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mercredi 25 juin 2008

Jour 12: Le Poulet Frit Kentucky

159 km. Cum: 1859 km.


Richwood, KY - J'ai repris la piste cyclable où je l'avais laissée hier. Cette piste, c'est la Little Miami River Scenic Trail. 140 km de piste asphaltée. Imaginez le Petit Témis asphalté au grand complet. La piste procure de l'ombre salutaire et longe la rivière un bon bout. Cannondale s'est alors transformé en scooter pour 90 km. Les oiseaux abondent dans ces corridors boisés et à proximité de la rivière, je n'ai jamais vu autant de cardinaux. J'ai dîné à Loveland (tout un nom de village) sur une jolie terrasse. Ça sentait le bon café à l'intérieur, mais dans cette chaleur, pas une bonne idée. Parce que pour faire chaud, il fait chaud en ta...


C'est une fois que j'ai quitté la fraîcheur relative sous la canopée des arbres entourant la piste que j'ai réalisé le niveau de la température probablement aggravée par l'humidité. L'hydratation devient alors primordiale. Il faut que je me force à boire et manger au delà des réflexes naturels, car le déficit se récupère très mal pendant la randonnée et la déshydratation se répercute dans les jours suivants. Aujourd'hui, la dépense de bouffe et de liquide dépasse le prix de l'hôtel.

J'ai contourné Cincinnati par le sud et j'ai abouti au stade des Reds par la rue Pete Rose qui se trouve sur la rive nord de la rivière Ohio. Il n'y a qu'à franchir la rivière par un des nombreux ponts et me voici au Kentucky. Là, j'en ai eu pour 2 heures à fredonner "Le Poulet Frit Kentucky dans votre voisinage..." et ça finit par "... bon à s'en lécher les doigts", mais j'ignore le reste et je turlute dans le milieu. Pas capable de me la sortir de la tête. Suis-je seul avec ce bogue ? Tout près de cette lésion au cerveau doit se trouver aussi "Bing bang rentre dedans, tant pis pour l'imprudent" et le classique "on mange du Beef-a-Roni"


J'ai atterri à Richwood, un méga truck-stop. La douche est très appréciée. Vent de canicule.


38.9190, -84.6314

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mardi 24 juin 2008

Jour 11: Gens du Pays

141 km. Cum: 1700 km.


Xenia, OH - Ce matin, je me suis arrêté au café-dépanneur dans un petit bled pour faire le plein. À l'intérieur, un râleur de première déblatérait une histoire familiale d'horreur, probablement sur le point de divorcer, en faisant mine de lire son journal. "Ils ne m'écoutent jamais". Il me faisait penser à Bernard dans Les Voisins (Bernard, j'ai dit Bernard!). Pauvre caissière. À l'extérieur, je pique une jasette avec Jack et George qui s'étouffent dans leur café quand je leur explique d'où je viens et où je vais. Dans cet univers de voiture, 25 km de vélo, c'est une expédition pour bien du monde. Invariablement, le fait que je me promène seul, ça les impressionne. L'autre question typique, les pneus de rechange. Finalement, le GPS. Je pense que George me l'aurait acheté sur le champ, tandis que Jack s'en éloignait comme si ça pouvait mordre. Jack vient du Kentucky et je devais vraiment être attentif avec ce gros accent du sud. Ils sont déja passés à Montréal, peuvent très bien situer le Québec, mais ne peuvent me renseigner sur rien qui dépasse 50 km de rayon de leur bled. Quand j'y pense, c'est bien logique, comme je suis surtout sur les routes secondaires, il n'est évident pour personne de pouvoir connaître tous les patelins de leur coin. Combien à Bromont pourraient donner des indications pour Notre-Dame-de-Stanbridge, Mystic ou St-Liboire ? Parlant de noms de village, dans les 11 derniers jours, je suis passé par Greece, Sweden, Barcelona, Texas, Mexico, Delaware, Florence et Lisbonne.


À part de ça, j'ai plus ou moins exploré le paysage. J'ai l'impression de rouler sur un tapis roulant au royaume du maïs-éthanol, du blé et du tracteur à gazon. J'ai la tête au Québec aujourd'hui, le 24. Dans un voyage comme je fais, les jours perdent leur feeling. Le dimanche, le mercredi ou le lundi, ça n'a plus d'importance, mais le 24 juin, ce n'est pas pareil. Ce n'est pas que je sois un adepte des festivités de la St-Jean, mais loin de chez-soi, on est toujours plus patriote. Ça doit être vraiment dur à Kandahar pour un Tremblay de Val-Cartier. Cafardeux, j'ai mis les freins après 100 km à un joli B&B pour relaxer un peu me visualisant sur la véranda pour finalement entendre chanter comme du monde dans mon iPod les tunes québécoises que je fredonne depuis que je roule ce matin:


Je reviendrai à Montréal, Robert Charlebois. Gens du Pays, Gilles Vigneault. Le Monde est à Pleurer, Jean Leloup. Dédé, Les Colocs. Casse-Cou, Malajube. Gate 22, Pascale Picard. Les Fraises et les Framboises, La Famille Soucy (oui, oui, j'ai ça dans mon iPod). Jonquière, Plume. Intouchable et Immortel, Daniel Bélanger.


Je commence à craindre l'aventure de Long Lake après une heure assis sur le perron que le proprio se présente, mais la voici qui arrive en voiture pour me dire qu'il n'y a pas de place ce soir... D'uh! Je repars sur ma bécane, résigné. Un cycliste me salue et voyant mon attirail et surtout me voyant un peu hésitant, il m'indique l'entrée de la piste cyclable. Je me doutais qu'il y avait une piste, car mon GPS qui ne connaît que les routes, me pointait dans des drôles d'aller-retour. Une belle piste asphaltée et large qui va jusqu'à Cincinnati. L'avantage de la piste dans cette plaine, c'est l'ombre des arbres qui forment aussi un abri contre le vent. Voici Ken, soixantaine, régulier de la piste. Il me dit qu'il y a probablement de l'hébergement à Cedarsville. On jase en roulant à 28 km/h. J'ai enfin trouvé quelqu'un à qui partager que c'est aujourd'hui mon 4 juillet et que j'ai un peu le mal du pays. Comme il va jusqu'à Xenia et que ça roule bien, je décide de me rendre là. À Cedarsville, pendant que je vais aux toilettes, Ken a rencontré son vieux chum Phil et on continue la route à 3. Phil, à 61 ans, roule 10000 km par année et il a presque tout fait le réseau de l'ACA. Il partira justement le 7 juillet de Seattle pour revenir ici. Cette rencontre m'a requinqué et m'a finalement fait passer une belle fête nationale. Je vais quand même passer la soirée à écouter du Québécois sur mon iPod.


Je roule encore pour quelques jours sur la route qui a jadis servi à libérer des esclaves. Récemment, Monia et moi avons eu un aperçu de la répression exercée en Chine sur les peuples Tibétains et Ouïghours. De plusieurs façons, on doit à nos ascendants lointains et récents notre richesse en tant que peuple et nos libertés les plus chères. C'est ainsi qu'un grand flanc mou de Cabano peut rouler son Cannondale sur le grand continent et affirmer sans rougir qu'il est un francophone du Québec. Vent de fierté.


39.6848, -83.9343

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lundi 23 juin 2008

Jour 10: La foudre ou la merde

181 km. Cum: 1559 km.


Delaware, OH - Ce matin, au check-out, une dame a failli faire une syncope quand je lui ai répondu "Delaware" à sa question: "Vous allez rouler jusqu'où aujourd'hui ?". On a tous réalisé en même temps que le seul Delaware que la dame connaissait, c'est l'état situé à 800 km d'ici. Une des employés derrière le comptoir croyait se souvenir qu'il y a une ville nommée Delaware en Ohio et elle ajoute avec un soupçon de mépris: "Ah, ces cyclistes, je ne serais pas surpris d'en voir un se rendre au Delaware en une journée...". Je ne sais pas si c'est l'habillement, n'importe quel cycliste accoutré comme moi a l'air d'un coureur du Tour de France, si on fait abstraction de la bedondaine de quarantaine qui se dissimule mal dans du lycra-polyester. C'est peut-être le tube du Camel-back qui nous rend suspect, merci à Geneviève Jeanson, Floyd Landis et le 3/4 du peloton; certains pensent peut-être qu'on carbure à la dope. C'est juste une longue balade à l'eau claire. La dame m'a interpelé de nouveau à l'extérieur pour me féliciter de mon courage, insistant surtout sur le fait que je sois parti seul... Ils regardent trop la télé...


En quittant Oberlin, j'en profite pour faire un petit tour du campus universitaire dont certains bâtiments sont magnifiques. Les frais de scolarité sont trop bas au Québec. Plus loin, c'est la ville de Wellington qui m'éblouit. C'est ensuite le retour à la campagne, tellement planche que je ne pense pas avoir eu besoin de mon dérailleur sur les 40 premiers km.


Je me rends compte que j'ai pénétré en territoire Amish en remarquant les affiches artisanales devant les maisons annonçant la vente de produits de la terre. Toutes indiquent qu'ils n'y a pas de vente le dimanche. Les fermes de dimension humaine, les champs travaillés à cheval, ces scènes pastorales me donnent l'impression de rouler dans un vieux magazine National Geographic. J'ai mangé ma pomme en jasant avec trois de ceux-ci qui récoltaient des fraises. Très sympathiques, ils posent des questions courtes et précises et il faut travailler fort pour les faire parler plus que nécessaire. Ils se savent sujets de curiosité et ont probablement développé des réflexes pour esquiver les sujets conflictuels vs la société moderne. Ils m'ont dit qu'ils voyaient passer beaucoup de cyclistes qui font comme moi. B'en chanceux, parce que moi je n'en vois pas b'en b'en jusqu'à date.


Après avoir croisé quelques carrioles, j'ai graduellement perdu leur trace et la douce ondulation de la route a tout à coup prise de l'amplitude et j'ai été quitte pour une trentaine de km de montagnes russes. À part quelques murs, c'était agréable et grisant à descendre.


Après Hayesville, Jeromesville, je m'arrête à Mifflin vers midi pour une pause collation. Encore une trentaine de km, après Butler où j'ai fait une pause sandwich à la crème glacée, un gros nuage noir est apparu au dessus de ma tête comme dans les bandes dessinées. J'entends le tonnerre qui commence à gronder au loin. Contrairement à hier où j'ai pu m'abriter dans un dépanneur, là, je suis dans le champ sur une plaine ouverte, exposé au max sur mon Cannondale en aluminium, une cible parfaite. Rouler à la pluie, d'accord, mais la foudre, pas conseillé. Je cherche un abri un peu paniqué à 35 km/h et enfin j'aperçois une ferme sur la droite. Il n'y a qu'un chien pour m'accueillir, mais m'en fiche, je ne cherche qu'un abri temporaire. La maison n'a pas de véranda, les deux manières de garage sont fermés, ma seul alternative, c'est le genre d'enclos où il y a de la machinerie. Ce n'est pas ouvert vraiment, mais la barrière de la hauteur d'une bande de patinoire me semble franchissable. J'appuie le vélo sur la bande et déjà je commence à me faire bombarder par les clous de pluie qui commencent à tomber. En me hissant sur les paumes, j'enjambe la barrière et saute à l'intérieur. L'atterrissage est plus doux que prévu. Me voilà les deux pieds dans 6 pouces de fumier. Ce matin je roulais dans le National Geographic, là me voici les deux pieds directement dans le Bulletin des Agriculteurs. Heureusement, il y avait une surface moins grasse plus près du tracteur, mais j'étais ni plus ni moins qu'au plus bas dans la hiérarchie des aires agricoles, à la hauteur du tas de fumier. Pendant ce temps, alors que les mouches me dévoraient, le blé d'inde était au 45 et la tôle du bâtiment percussionnait sous le battement ininterrompu de la pluie et des grêlons. Une heure à la ferme...


Je suis reparti dans une timide éclaircie et je me suis fait poivrer un bon 45 minutes solide, mais sans le tonnerre, la pluie je dois faire avec. Peut-être ai-je mal travaillé mon hydratation, peut-être ai-je trop poussé voulant rattraper l'heure passée chez monsieur Séguin, mais j'ai utilisé mes sels d'hydratation (Gastrolite) pour la première fois, un ischio-jambier voulant se rebeller.


Je suis finalement arrivé à 18:30 au motel. J'avoue que cet orage m'a enlevé le sourire que j'avais dans la face depuis le début du voyage. Un orage par jour, de la grêle, je n'avais pas ça dans ma planification, mais c'est le lot de l'aventure, n'est-ce pas ? Vent de tempête.


40.2714,-83.0695



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dimanche 22 juin 2008

Jour 9: Comme dans un film

141 km. Cum: 1378 km.


Oberlin, OH - Les Américains, de sauvages capitalistes ? Comme pour tout, il faut éviter de généraliser. Hier soir, en arrivant à cette auberge de charme, j'ai fait la grimace quand la dame de la réception m'a annoncé qu'il ne restait qu'une chambre de luxe avec vue et bain jacuzzi à 149$. Elle a tout de suite vérifié si elle pouvait me faire le tarif internet à 134$ et j'ai signé à ce prix. Ce matin, après m'être goinfré dans le buffet déjeuner colossal (et non continental), je fais le saut en signant la transaction Visa: 109$. Je demande à la fille si elle a pu se tromper. Elle m'explique qu'après discussion avec la gérante de faction, ils ont révisé mon tarif à la baisse, car si j'avais pu, j'aurais pris une chambre plus petite et en plus, on ne charge pas ça à un cycliste qui est venu ici du Canada ! "Eh b'en" aurais sûrement dit mon beau-père qui célèbre son anniversaire aujourd'hui.


C'est dans la brume que j'ai entrepris la route. Pour 30 km, ce fut comme rouler dans le film "I am legend"Will Smith est un des seuls survivants d'une tragédie mondiale. Le dimanche matin chez les Mennonites, c'est ce genre de tranquillité qui prévaut. J'ai sorti de leur territoire en entrant dans Hudson, un village splendide où tous ceux que je rencontrais entraient dans une église, chacun la sienne, j'en ai encore compté six...


Ensuite, c'est une route un peu plus en relief avec quelques grimpes plus sportives, notamment dans le parc Cuyahoga. Ça finit par s'aplanir en de belles ondulations dans lesquelles je croise plusieurs cyclistes du dimanche. Un peu avant Medina, je m'arrête un bon vingt minutes pour tenter de photographier un groupe d'oiseaux de proie qui étaient presque sur la route à mon arrivée. Des charognes à tête rouge, comme dirait mon beau père. On aurait dit des vautours et en plus ils se tenaient à proximité d'un cimetière. Peine perdue, j'ai des flous, des taches dans un arbre et des plumes...


À Medina, pendant un ravitaillement, je me rends compte que le ciel est pas mal sombre pour l'heure et comme de fait, juste le temps de faire le plein, c'est un déluge avec tout le kit d'éclairs et de grêlons gros comme des bleuets du Lac St-Jean. Eux, au Lac, ils exagèrent tout le temps, ça fait que ça nous donne toute une tempête. 40 minutes que ça a duré, pour vrai là là !


Ça dégouttait encore quand je suis reparti, mais ça s'est vite clairé. C'est l'avantage de rouler vers l'ouest, on repart dans la direction que l'orage est venu et on a la paix jusqu'à ce que la prochaine arrive. J'ai pu arriver à Oberlin avant que la prochaine se présente en roulant une quarantaine de km de plat entre des fermes laitières. C'est comme le Vermont qui aurait passé sous le fer à repasser. C'est fou comment le ciel s'impose sur le planche. J'imagine que c'est parce que je viens des Appalaches que ça me frappe autant.


Q&R
[La section qui suit comporte des scènes de nudité. Nous préférons vous en avertir]
Q: Comment vont les fesses et la santé en général ?
R: Dans les premiers jours, ma fesse gauche avait la texture de bubble-wrap. Je pensais qu'il s'agissait d'une adaptation, mais en me badigeonnant les foufounes avec une crème pour fesses de poupon, ça s'est calmé. En fait, un cuissard, c'est un peu comme une couche, mais sans les dégâts. Ce sont des meurtrissures de frottement et heureusement, je n'ai aucune douleur d'appui, car ce serait insupportable. Il est important que le cuissard épouse tous les plis et replis de la fesse. C'est du travail à 40 ans et je replace tout ça presque chaque fois que je me remets en selle. Certains automobilistes pensent sûrement que je me caresse le popotin, mais non... J'ai eu un tiraillement et même un peu d'enflure au tendon d'achille droit, mais avec des applications de glace et du Advil, tout est rentré dans l'ordre. À force de vivre avec une physio, on poigne la twist. En fait, si je tiens compte de l'exposition aux belles-soeurs et beaux-frères, c'est tout le savoir-faire du CLSC La Pommeraie qui me supporte. Ils travaillent presque tous là... En parlant du CLSC, si vous croisez le Doc Landry de la Clinique du Voyageur, ses conseils d'hydratation sont très précieux.


La gentillesse et l'accueil du dernier hôtel m'ont enchanté, les routes d'aujourd'hui m'ont donné des ailes. Vent d'allégresse.


41.2921, -81.2164



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samedi 21 juin 2008

Jour 8: Au pays des Amish

143 km. Cum: 1237 km.


Burton, OH - Ça ne faisait pas 10 minutes que je roulais, une voiture me fait signe d'arrêter. Je pense qu'il y a un truc qui est en train de tomber de mon vélo ou quelque chose du genre, mais non, le bonhomme descend sa vitre et me demande où est le Wal-Mart... Aucune idée à moins qu'il soit prêt à aller à Granby ou Cowansville.


Même dans la ville, le trafic est très docile, c'est samedi. Gros soleil, mais selon la météo, dans quelques heures toute cette crème solaire sera gaspillée. J'ai fini par m'extirper de Erie et revenir dans la campagne avec toujours le lac à ma droite, mais de plus en plus loin. Au km 37, on me souhaite la bienvenue en Ohio, un 4e état sur ma feuille de route. Le panorama est similaire en route vers Connaut puis Ashtabula, qui est difficile à apprivoiser pour cause de construction, mais belle récompense, c'est la tête de pont de la Western Grenville Reserve Trail, un corridor boisé à l'asphalte impeccable. 25 km de pur bonheur sur deux roues. Comme l'Estriade, mais avec un budget...


J'ai ensuite abouti à Orwell où j'ai vu une bâtisse associée à un truc qui portait le nom de Saint-Vincent-de-Paul (tel quel en français) et là, j'ai besoin de votre aide. St-François d'Assise, il vient d'Assise; Ste-Thérese de Lisieux, de Lisieux, ça va de soi, mais St-Vincent-de-Paul ? C'est où ça Paul ?!


De là, la campagne prend du caractère, les vallons prennent du pic et alors que je me dis que c'est pour ce genre de paysage que je fais du vélo, une carriole à cheval s'approche en sens inverse et je me rends compte en prenant la photo que le cocher barbu et accoutré simplement ne se promène pas comme ça pour la galerie. Je me souviens alors que quelque part sur mon trajet, je passais en territoire mennonite. M'y voici. Mennonites et Amish partagent la source de leur mode de vie modeste, pieux et faisant dos à la modernité, mais chaque famille applique ces préceptes avec des nuances. Le cheval semble le tracteur par excellence, mais j'ai vu des scies à chaîne et des tondeuses. Ceux qui ont adopté la voiture peignent le chrome en noir. C'est vraiment sauté de voir tous ces hommes habillés pareils avec leurs bretelles noires et leur chapeau à larges bords. Les femmes sont difficiles à voir, mais j'en ai vu des élégantes à l'arrière d'une carriole avec la capine.


Dans ce décor pastoral, je rencontre mon premier cycliste itinérant. Il est parti du Texas il y a 20 jours et se rend à Rochester, NY. Il utilise la même technique que moi, le beamrack et l'hôtel, mais je suis fier de dire que mon barda est moins pesant que le sien, surtout dans le dos. J'étais un peu moins fier, quand toisant les quelques cheveux gris qui dépassent du casque, il a avancé que j'étais de son âge. ll a 53 ans ! Je peux bien croire qu'avec mes lunettes de vélo de prescription je ressemble au personnage de Dany Turcotte, le bègue qui gère un bloc-appartement, mais là, j'en ai juste 40!


Le village de Burton s'est imposé comme escale. Un seul choix d'hébergement, mais ça a de la classe. C'est sûr que ce n'est pas donné (134$), mais je suis encore dans le budget, ça inclut un 5 à 7 généreux et le déjeuner 1ere classe. De temps en temps, il faut prendre soin du bonhomme, c'est juste triste que je ne sois pas avec Monia, car c'est l'auberge classique pour lune de miel.


Bonne fête à ma belle-soeur Nancy qui célèbre en ce solstice d'été son xxe anniversaire de naissance. Je ne le sais pas exactement, mais ce n'est pas 53...


Q&R
Q: Comment sont les routes et les automobilistes sont-ils courtois ?
R: Les routes sont excellentes 90% du temps. Dans l'état de NY, il y a parfois des panneaux "Rough road next x miles". Et bien, si la rue Shefford à Bromont était rough comme ça, ce serait une vraie bonne amélioration. Quand le trafic est plus lourd, l'accotement est suffisamment large (3 à 4 pieds), il y a cependant des débris et c'est clé quand on ne fait plus confiance à ses pneus, mais j'ai réglé ce problème. L'absence de vibrations sur une chaussée saine permet de rouler plus longtemps avec moins de fatigue. Pour ce qui est des automobilistes, ils sont extrêmement courtois. Premièrement, les bons accotements facilitent la bonne entente. Sur les routes de campagne vallonnées et sinueuses, on attend derrière moi jusqu'à ce que ce soit parfaitement sûr et on dépasse sur l'autre voie. Je pense que c'est une question d'assurance; peut-être que la possibilité de poursuite au civil au Québec en calmerait certains. En milieu urbain, rien ne vaut l'observation stricte de la signalisation et le contact visuel. J'ai croisé quelques distraits et distraites, mais jamais de malice gratuite.


J'étais bien content d'enfin croiser un autre cycliste, car après quelques escales dans des villes où le contact est difficile, je commençais à me dire que c'était pas mal mort côté social. Vent de solitude.


41.4682,-81.1431



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vendredi 20 juin 2008

Jour 7: Cannondale mal chaussé...

156 km. Cum: 1094 km.


Erie, PA - Comme le poste budgétaire de l'hébergement était sous utilisé, hier j'ai décidé de me payer le gros luxe: Econo-Lodge. Ça vaut bien le Best Western de Poughkeepsie. (Ceux qui ont à comprendre vont comprendre). J'avais donc droit au déjeuner continental et ça permet une stratégie d'un seul arrêt aux puits. "Déjeuner continental"...J'ai toujours trouvé le mot mal choisi et non mérité. On parle ici d'un toaster, des danoises industrielles et une cafetière. Je ne sais pas moi, "Déjeuner minimal" ou bien "Déjeuner ordinaire", mais pas continental qui évoque le grandiose et l'espace...


Départ sous la fin d'une pluie nocturne, chaussée mouillée, trafic lourd. Crevaison no 4. Hmmm, m'semble que Cannondale crève plus souvent qu'à son tour. L'inspection du pneu révélera des accrocs de surface qui démontre qu'il supporte mal le stress du peu de poids ajouté pour toute cette distance. De toute façon, je vise une boutique de vélo à 50 km de là. Ce qu'il me faut à tout prix, ce sont des cartouches de CO2. Trois boutiques, toutes en ont, mais pas les filetées 16g que j'utilise. Ne m'en reste qu'une !


Le trafic finit par se dissiper, les nuages se tassent, le jacket fait de l'air et me revoici les cuisses à l'air. Le vent est contraire mais pas féroce. Pour au moins 20 km, c'est la gloire de l'étalement urbain qui agrandit Buffalo plusieurs acres à la fois.


La campagne finit par reprendre le dessus. Invariablement, à ma droite, parfois bien caché derrière une rangée de feuillus, le grand lac Erie. Né au bord du Lac Témiscouata, je constate que je suis vraiment un type bord de lac, pas mal plus qu'un type bord de canal. Avouons que le lac Erie contemplé de mon point de vue ressemble beaucoup plus au fleuve à la hauteur de Rimouski. De toute façon, c'est la même eau qui va finir par descendre par là, n'est-ce pas ? À gauche, après les pommes et les fraises des derniers jours, c'est au tour de la vigne de remplir les champs à ma grande joie.


Arrivé à Dunkirk, je me lance à la recherche du bike shop trouvé avec Google Maps et zut, l'endroit a fermé. Je croise un gars sur un bicycle qui me dit que mon alternative est à North-East 50 km à l'ouest. Ok d'abord, je vais aller dîner si c'est comme ça. Tim Horton's, tiens.


Un après-midi très roulant avec encore plus de vignes. On dirait que je roule en Bourgogne si ce n'était du dénivelé inexistant et des enseignes parlent de tout sauf de vin, comme du sirop d'érable, des fraises et même des hot-dogs (!). C'est pourtant une route vinicole. Tout à coup, Welcome to Pennsylvania. Pas une surprise, je vois tout venir ça sur le GPS. Octroyé à William Penn, c'est une des 13 colonies fondatrices des USA et l'avenue du même nom vaut plus de 200$ au Monopoly. Je pique une ligue directe vers North-East en rêvant qu'un de ces vignobles s'annonce comme auberge, mais nous ne sommes pas en France.


Le Lake Country Bike Store est bien là et bien ouvert.. Brad écoute mon histoire, prend sa perche et me décroche deux pneus Continental Gator Skin avec une cote de roulement de 4000 milles. Mes Michelin Lithion ne sont pas un mauvais choix, mais sont plus conçues pour la course à étapes. Bonne résistance, mais pas de calibre pour mon périple. J'étais tellement rendu parano avec les crevaisons que je n'ai pas hésité une seconde, surtout que ces pneus moins "performants" mais durables sont moins chers que mes Michelins. Brad m'a posé ça en moins de deux, a fine-tuné ma chaîne, mon dérailleur et il avait un bon stock des fameuses cartouches. Je n'avais pas réalisé combien il fait bon s'arrêter dans une boutique où un pro s'occupe de son vélo. Brad organise des tours autosupportés pour les locaux et les touristes et il m'a donné de l'information précieuse sur Erie, comme par exemple que c'est le weekend et que si ce n'est pas No Vacancy, ce sera le double de ce que je paie habituellement. Déformation professionnelle, il tient à m’expliquer la route à suivre et qu'il faut toujours garder le lac à ma droite. B’en voyons mon Brad, je traverse le pays, si je ne peux pas figurer qu’au sud du lac, si je vais franc ouest, le lac sera toujours à ma droite, je suis aussi bien de revenir en autobus tout de suite…


Je suis alors au El Patio Motel qui m'a effectivement coûté le double du prix raisonnable que j’ai habituellement. C'est un juste retour des choses. Parlant de retour des choses, l'epoxy a ses limites et même si ça a quand même tenu pour une journée, j'ai trouvé le tube de remplacement pour mon CamelBack et j'en ai profité pour soumettre ma réparation à un peu plus de stress et ça n'aurait pas tenu longtemps. L'affaire la plus drôle, typique de notre propension contemporaine à ne pas lire les instructions et brancher les trucs, c'est que le mécanisme qui porte la tétine comporte une valve qui se ferme en pivotant le truc à 90 degrés. Emmerdant de tourner la valve chaque fois, mais ça m'aurait évité d'être inondé au goutte à goutte. C'est bien pour dire qu'il ne suffit pas d'avoir le bon matériel, il faut aussi le connaître. Belle leçon d'équilibre entre la technologie et les compétences. Comme je l'ai souvent martelé, il faut toujours porter une attention égale aux processus, à l'organisation, à la technologie et aux compétences...


J'ai pris mon rythme, j'ai ma routine domestique pour minimiser le temps gaspillé c'est à dire tout ce qui n'ajoute pas au plaisir comme la lessive, l'entretien du vélo, la gestion des bagages. J'ai arrêté de planifier le matin où je serai le soir. Curieusement, la seule façon d'apprendre à faire une expédition comme ça, c'est de la faire. Surtout que demain, je poserai mes roues en Ohio, un état où je n'ai jamais mis les pieds et ce sera une découverte à chaque virage. Le voyage entre dans une autre phase. Vent de promesses.


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jeudi 19 juin 2008

Jour 6: Un court retour au Canada

146 km. Cum: 938 km


Blasdell, NY - C'est le genre de jour où on se sent d’attaque pour faire 180 ou 200 km, mais où les éléments se liguent contre le cycliste et qu'il abouti au sud de Buffalo, l’ambition compromise, mais tout de même heureux de sa journée.


7:30, 10 degrés, ensoleillé, sourire radieux. Petit déjeuner dans une franchise canadienne (Tim Horton's) et départ enjoué en ce pays plat de la fraise. Hier, c'était les pommes, aujourd'hui les fraises. Au moins les pommes, ça pousse dans les arbres et les arbres, ça coupe partiellement le vent. Vent de gueule all right, on pourrait même dire vent de dents: le faciès tordu, la bouche entrouverte comme monsieur Chose qui cherche ses lunettes.


De temps en temps, comme je ne veux pas faire la piste cyclable le long du canal, je dois emprunter les ponts qui franchissent le canal, la route alternant d'un côté à l'autre. Le tablier de ces ponts est un quadrillage d'acier et j'ai la chienne à chaque fois. Imaginez, j'ai peur quand je traverse le pont Victoria à Montréal avec ma voiture. À Lockport, un centre d'interprétation des écluses avec des centaines d'écoliers. Je prends mon temps et j'observe le mécanisme que j'ai déjà vu, mais c'est curieusement captivant. Les enfants n'écoutent pas le guide pantoute, ils cherchent juste à voir leurs amis dans le bateau pour leur faire des tatas. Que de décibels tout à coup.


À 10 km de Niagara, une pause pipi et collation. 10 minutes après, la pluie qui commence, alors j'arrête pour mettre mon jacket. 10 minutes après, crevaison no 3. On répare ça et on repart. 10 minutes après, le soleil sort, trop chaud, enlève le jacket. C'est long. Si tu veux qu'il mouille, enlève ton jacket; si tu veux que le soleil se cache, remets de la crème solaire; vous comprenez le principe.


Il y a une méchante drop entre le lac Erie et le lac Ontario. Je pense qu'ils devraient exploiter ça. Ah b'en, oubliez ça, c'est déja fait... Welcome to Niagara Falls !


Premier épisode de ponts et de douanes. Après avoir fait quelques détours stériles, je finis par trouver l'accès à la promenade pour observer les chutes américaines. Quelques clichés, je me dirige ensuite vers le Rainbow Bridge. L'entrée du péage m'intimide et comme il n'y a d'indiqué que le prix pour les voitures, je conclus que les cyclistes sont considérés des piétons. Je trouve le dédale qui finit par mener au pont piétonnier et merde: «No bikes on pedestrian bridge». &!@**#. Je reviens au passage des voitures et le préposé me demande 50¢ tout bonnement comme s'il voyait des cyclistes là tous les jours. De l'autre côté, la douanière canadienne ne me demande même pas d'identification. Typiquement Canadien et très sécuritaire, comme Maxime Bernier.


Ce passage du côté canadien permet d'éviter un paysage industriel sur la rive américaine. De plus, un parc linéaire fait 25 km le long de la rive canadienne et la voie de service de ce parc permet de faire du 28 km/h sans trop se forcer. Mais c'était sans compter les hordes de touristes sur les premiers km; encore une fois, un chien dans un jeu de quilles. J'ai fini par m'extirper de cette foule et rouler enfin à bon rythme jusqu'au Peace Bridge.


Deuxième épisode de ponts et de douanes. L'approche canadienne du Peace Bridge est en construction. Festival du zéro-trois-quart #$*!@&, je dois tenir Cannondale par la main. Enfin sur l'asphalte, je m'engage timidement sur le pont avec quelques mastodontes dans le rétroviseur. OK, ok, je vais aller sur le trottoir ! Arrivé vivant de l'autre côté, je fais la file avec les voitures pour la douane. Un valeureux douanier marche ¼ de mille jusqu'à moi pour me dire que je n'ai pas d'affaire là, car c'est la file des voitures. So f*&?# what ? Je dois aller à l'entrée des piétons, cogner à la porte de l'immigration et ils vont m'arranger ça. Une demi-heure à niaiser là pendant qu'ils photographient et prennent les empreintes digitales des "visiteurs internationaux". Heureusement que je suis Canadien, ça, ça ne compte pas pour international, mais ça n’accélère pas mon passage pour autant. Finalement: "When do you plan to make it back to Canada ?", "Vers la fin juillet, [si je peux arrêter de poireauter aux douanes !]". Je sors de là un peu écoeuré et là, deux autres boeufs à l'extérieur me demandent où est ce que je vais. Je leur réponds que je vais à peu près vers le sud et que je suis l'itinéraire sur un GPS. Par deux fois, Einstein insiste que je ne peux pas aller sur l'autoroute... C'est vrai que ça irait b'en mieux sur l'autoroute, mais rassurez-vous, je suis un peu malade dans la tête, mais pas crétin. Ah, que j'aime les douaniers américains !


Sorti de là, c'est le port de Buffalo et le HSBC Arena à côté du vieil Auditorium. C'est plus fort que moi, chaque fois que je tombe sur un aréna de la LNH, je le photographie comme si c'était la Tour Eiffel. De là, c'est un peu de Pointe-aux-Trembles, un peu de Bronx et finalement un bord d'autoroute avec tout ce qu'il faut. Un arrêt au bon moment avec les cumulo-nimbus qui éclateront dans l'heure et ça va être laid.


Après le duct-tape et les tie-wraps, un autre essentiel à ajouter au sac: La colle Epoxy. [Écoutons Denis Gagné de l'émission L'Épicerie]: Vous avez mordu trop fort dans votre tétine de CamelBack, le Gatorade goutte par la fente et vous tombe régulièrement sur la cuisse ? Qu'à cela ne tienne, scellez la circonférence de l'embout avec de la colle Epoxy, laissez sécher jusqu'au lendemain et arrêtez de mordre dedans comme si c'était un mouth-piece. [Merci Denis]. J'ai dû être un doberman dans une autre vie. J'avais eu le même bris en Afrique.

Je n'étais pas si excité que ça à l'idée de revoir les Chutes Niagara une 3e fois, mais quand j'ai tout à coup réalisé que je m'y étais propulsé avec mes jambes en 6 jours, j'ai eu une petite émotion bien dissimulée par l'humidité ambiante. Vent de brume.


42.7917,-78.8185


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mercredi 18 juin 2008

Jour 5: Un p'tit break


100 km. Cum: 792 km.


Albion, NY - La grasse matinée malgré moi. Je me lève quand je me réveille et ce matin, ça a bien l'air que j'avais besoin de sommeil. C'est peut-être aussi que j'ai collé jusqu'à minuit devant deux épisodes de Seinfeld que j'ai déja vu dix fois, mais c'est irrésistible. Je suis en vacances après tout. Un de ces matins que si Monia m'avait accompagné, c'est elle qui m'aurait servi du: «C'est long!». ..


ll devait être 9:45 quand je suis sorti du McDo. Pas un grand amateur, sauf qu'un Mcmuffin et des hashbrowns, c'est dur à battre. Les premiers 50 km furent sur un parcours urbain dans les banlieues de Rochester. Rouler en ville demande beaucoup plus de vigilance et comme j'ai l'intelligence spatiale plutôt féminine, je redouble d'attention dans ces sections... Quoi ? Ai-je offensé des dames ? Calmez-vous, l'intelligence a plusieurs dimensions et les forces et faiblesses s'équilibrent en genre et en nombre.


Urbain, disais-je donc, à travers des quartiers de toutes les classes. Ce ne sont pas toutes les rues d'Amérique qui ressemblent à Wisteria Lane. J'ai même traversé un quartier qui ressemblait dangereusement aux décors des vidéo-clips de gansta' rap, les rappeurs inclus. J'ai curieusement augmenté la cadence dans ce coin là. T'sais quand les Cadillacs neuves valent 4 fois les maisons devant lesquelles elles sont stationnées. Quoique mon vélo vaut au moins 4 fois la voiture qui est stationnée devant chez-nous et je ne vends pas nécessairement du crack... Là, Sylvain, Jules, Erik, Daniel, calmez-vous "nécessairement", c'est pour le rythme de la phrase... Et qu'vous êtes nerveux aujourd'hui...


Quelle joie de quitter le tumulte du trafic pour embarquer sur le Erie Canalway, une piste cyclable qui longe le Canal Erie, vous l'aurez deviné. Le calme plat sur la poussière de roche et les saules pleureurs qui larmoient à fleur d'eau. Après 20 km, je commençais à trouver que le calme plat, c'est pas mal plate et je commençais à lorgner vers le ruban d'asphalte qui ondulait de l'autre côté de la levee, quand la poussière de roche a fait place à du zéro trois quart et que maudite marde je vais faire un flat et puis paf, crevaison no 2. Ceux qui entretiennent les pistes cyclables font sûrement tous du vélo de montagne ou sont de bons clients de Bombardier.


Au revoir la piste cyclable alors et vive l'asphalte. Campagne ondulée avec le Canal en toile de fond. Je roulais sans trop me demander où j'allais m'arrêter, sachant qu'à l'heure de mon départ, je ferais une p'tite journée relaxe et là, je suis arrivé à Albion. Ce sont 4 églises sur le même coin de rue qui m'ont fait spontanément descendre du vélo, pas par conviction, mais par appréciation d'une belle construction à l'âge de l'aluminium et du vinyle. Je suis aussi fasciné par la relation de l'homme avec ses croyances. Dans certains villages, il y a presque autant de confessions que de maisons. Presbytériens, Méthodistes, Catholiques et Église Unie partagent ici le même pâté de maisons. Dans aucune d'elles je n'irai confesser ma nuit de motel volée.


C'est dans cette jolie ville que j'ai décidé de donner un break au Cannondale et de me trouver un plumard pour la nuit. Je connais un buffet chinois qui ne fera pas d'argent avec un cycliste. C'est mérité. J'ai l'impression d'acheter des faveurs à coups de kilomètres. Vent de rédemption.


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mardi 17 juin 2008

Jour 4: Octobre en Juin

167 km. Cum: 692 km.


Ontario, NY - Trois canettes de Bud Light ne m'ont jamais autant assommé. J'ai dormi jusqu'à 6:30 et j'ai pris tout mon temps. J'ai fait les 16 premiers km avec mon jacket sous une pluie froide. Ça tombait dru quand je me suis attablé au Village Restaurant. Moins pressé de repartir sous la flotte, j'ai profité de la couverture cellulaire qui était inexistante à mon chalet pour faire une mise à jour et lire le courrier. Continuez d'écrire, c'est vraiment marrant! Je lis tout, mais je ne peux pas répondre aux commentaires autrement que de vous envoyer un courriel personnel. Comprenez qu'avec un clavier de deux pouces carrés, je m'économise les doigts le plus possible, mais chaque truc que vous écrivez ajoute à ma cadence de pédalage.


Après avoir commandé un bol de gruau (une auge!) en supplément de mon premier déjeuner, j'ai renfourché le Cannondale pour m'arrêter au premier dépanneur du village suivant pour mettre mon cuissard long et mes arms-warmers en sus du jacket. Il ne fait pas chaud, il vente, mais heureusement, la pluie a cessé.


J'ai travaillé fort, mais pas vraiment à cause du relief qui mis à part quelques bonnes buttes, alterne entre plats ondulés et collines aplaties. J'ai dû négocier avec toutes les formes de vents, de cul, de gueule et de côté. Ces derniers sont imprévisibles, parfois ils poussent, parfois ils tirent. Enfin, disons que la frontière est parfois mince entre tenir le guidon et se tenir après le guidon !


Ma pause lunch a été plus courte qu'hier. Chez Sweet Inspirations, on trouve hamburgers et crème glacée pour tous les goûts. On vous promet une photo sur le Mur des Célébrités si vous commandez le Bubba's Super Burger Platter et que vous finissez votre assiette. C'est un hamburger avec 3 lbs et demi de viande. Ça vient avec des rondelles d'oignon. Only in America...


J'ai abouti au bord du Lac Ontario après avoir traversé une campagne proprette et dégagée (venteuse) toute en vallons et parsemée de vergers. Je louvoie entre des plus grosses villes comme New Haven, Utica, Syracuse et Rochester. Ces villes ne me sont mémorables que comme franchisées de la Ligue Américaine ou de la East Coast League. Si je rencontre Steve Penney, Wally Weir ou Red-Light Racicot, je vous fais signe...


Je suis parvenu à cette ville de style Boulevard Taschereau sous une dernière averse. J'ai constaté plus que jamais que les villes sont aménagées autour de la voiture, obstiné que je suis de ne pas prendre mon vélo une fois à destination. Ça fait que marche, p'is regarde des deux côtés avant de traverser.


Selon le bulletin météo, encore du temps frais demain. Je me suis pratiqué aujourd'hui. Vent d'automne.


43.2276, -77.2943

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Jour 3: Mouline, jase, mouline, jase...


173 km. Cum: 525 km.

Redfield, NY - À 6:50, j'ai fermé la porte et j'ai quitté le terrain du motel en jetant un coup d'oeil à l'office qui était aussi désert que la veille. Je pourrai dire que j'ai squatté une fois dans ma vie. En quittant sans payer, j'ai pensé à plusieurs d'entre vous en me demandant ce que vous auriez fait à ma place. C'était pas mal comique de vous imaginer en dialogue avec moi, tergiversant ou non sur la décision à prendre. "On ne va pas cogner à la porte avant 8 heures!", "Laissons un peu d'argent sur le lit", "Ils avaient juste à barrer la porte", "C'est pas d'même qu'on run une business"... J'ai laissé la porte déverrouillée pour le prochain. Le lit de droite n'a pas été utilisé ainsi qu'un set de serviette. :-)


Petit déjeuner au Long Lake Diner où la waitress, tout droit sortie de la pochette du disque Breakfast in America, est sympathique, mais peu loquace. Un peu plus frais aujourd'hui, mais les averses annoncées ne sont jamais venues, à peine quelques gouttes qui n'ont jamais réussi à mouiller la chaussée. Un beau défilé de cumulus toute la journée. J'ai rapidement avalé les 75 premiers km qui m'ont semblé une succession de faux plats le long de dizaines de lacs et de jolies rivières entrecoupés de courtes descentes. Différent d'hier où l'ascension totale fut de 1200m. En vélo comme dans la vie, tout ce qui monte finit forcément par redescendre.


À Old Forge, j'ai succombé à l'appel du Five Corners Café. Un bon sandwich au poulet grillé assis sur la terrasse, couronnée par une portion US de gâteau aux carottes. J'ai surtout pris le temps de jaser avec un couple de retraités du Connecticut fascinés par mon entreprise. Comme ils sont allés souvent en Italie, on avait aussi des souvenirs à ressasser.


J'ai quitté Old Forge après 90 minutes et un crochet à la boutique de vélo pour un ajustement des vitesses. J'étais rendu avec une transmission automatique et un vélo ce n'est pas supposé changer de vitesse tout seul. À l'approche de Boonville, j'ai quitté définitivement le parc des Adirondacks. Le bois et les mouches noires ont fait place à une campagne mixte et un peu plus de résidences.


J'aurais presque pu dire que le vent n'a pas été un facteur, mais quand on monte une pente à 38 km/h en moulinant 53x12, en général le vent est de la partie. J'étais presque en transe goûtant cette pointe de vitesse enivrante quand un frappe-à-bord gigantesque s'est écrasé sur mon menton. J'en ai eu pour un kilomètre à déballer des mots d'église.


Je pensais atterrir à Osceola. Ça a sûrement déjà été un village. Deux km avant, j'ai fait ma première crevaison. J'ai poussé 8 km plus loin pour me retrouver à Redfield, une petite place qui vit de la chasse et de pêche. Le seul hôtel de la place n'a plus que des chalets à louer et on m'en a laissé un à moitié prix. Moi qui pensais attirer la cupidité en étant dépourvu de mobilité réelle, surtout dans ces trous perdus, mais on me coupe en deux le prix que j'étais prêt à payer...


Après une bonne douche, je suis allé au restaurant (le seul ouvert ce soir) où j'ai pu déguster la spécialité (le hamburger au boeuf Angus) et surtout piquer une bonne jasette avec Brett et sa gang en sifflant quelques Bud Light sur la terrasse avec vue superbe sur le lac. On m'a même sorti l'album photo de la construction de la place... Si Brett avait eu sa guitare, il nous aurait sûrement jouer un peu de Led Zep. Le vélo suscite beaucoup de conversation. Vent de paroles.


43.5270, -75.8166


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lundi 16 juin 2008

Jour 2: Welcome to NY State


157 km. Cum: 352 km.

Long Lake, NY - C'est fou comment on peut réussir à se perdre dans si peu de bagages. Hier soir, avant d'aller au lit, c'est la panique totale, je ne trouve pas ma brosse à dent. Elle est dans un ziploc avec mon rasoir, mes lames et ma plaque occlusale. Je m'endors convaincu de l'avoir laissé à la maison et j'envoie un courriel à Monia ce matin, dérouté qu'elle n'en ait pas parlé au téléphone hier. En refaisant mon sac avant de partir tadam!, le ziploc et son contenu est bien blotti dans la pochette droite.


Petit déjeuner à Vergennes (un peu gênant à prononcer en anglais) et un petit 50 km facile dans un peu de brume qui a laissé place à un soleil de plomb. J'ai traversé dans l'état de NY sur le pont Champlain pour aboutir à Ticonderoga. Chargement d'un nouveau segment sans problème sur le GPS qui me démontre que mes bogues sont probablement terminés.


De là, j'ai pénétré dans les Adirondacks par une pente assez costaude qui m'a fait croire que ça donnerait le ton au reste de la journée, mais seulement deux autres pentes similaires m'ont fait suer autant. Pour le reste, une succession de rolling hills, des collines roulantes comme dirait Pat Burns. Une journée somme toute plus sportive.


Le parc change beaucoup des terres agricoles. Moins de résidents, plus de forêts, arômes différents, comme une odeur de randonnée en montagne. Moins de services, alors j'ai profité de toutes les occasions possibles de faire le plein et j'ai mangé un peu plus qu'hier.


Difficile de ne pas penser à la fête des Pères aujourd'hui. Ne m'ayant pas reproduit par choix, j'ai la chance de côtoyer un bon paquet de pères qui méritent une belle pensée aujourd'hui. J'ai passé la journée à faire un inventaire de pères en commençant par feu le mien et en me surprenant à presque oublier les p'tits derniers comme Marco, Georgio, Ben et Eric. De grâce, n'appelez pas tous vos bébés Eric !


Parlant de noms, je n'ai pas traversé beaucoup de villages, mais j'ai pu apprécier quelques joyaux de nomenclature. Ces noms me fascinent. J'essaie de m'imaginer les pionniers civiques qui ont nommé la place: "On va appeler ça Issoudun, on passe au vote". J'ai passé à Severance et Paradox. Imaginez la première rencontre avec une fille de Paradox. "Tu viens d'où ?" "Je viens de Paradox..." "OK, bye !". Avouons que ça n'a rien empêché pour les filles de St-Louis-du-Ha!-Ha!...


Pour les noms de villages bizarres, la France est dure à battre. En Bourgogne, Chissey-en-Morvan et dans le Cahors, le célèbre Montcuq (avec le q muet, mais combien sonore). Là, je ne m'abaisserai pas à reprendre mon exemple de la première rencontre, mais svp, restez décents dans les commentaires :-).


[16:30] Je suis arrivé à Long Lake, un village moyen, avec la ferme intention de manger et dormir ici. Au seul motel de l'endroit, qui m'a l'air très classe, je fais le pied de grue à l'extérieur en rédigeant ceci et me faisant dévorer par les mouches. L'endroit est manifestement ouvert, mais trois messages à l'entrée: "Manager gone to dinner", "For emergency, house on the hill", "Manager on property, honk your horn". Personne ne répond à la maison sur la colline et j'ai beau chercher, pas de klaxon sur ma bécane...


[17:45] J'ai fini par me résigner et profiter de l'attente pour me restaurer en retournant sur la Main Street. Une bonne bouffe, mais c'est toujours gênant de circuler près des autres clients dans une tenue éprouvée par les kilomètres.


[19:00] Toujours personne au motel, mais des travailleurs sur le site m'assurent que c'est ouvert et que le gérant sera là dans l'heure... ou l'autre... Je ne bouge pas d'ici et je m'installe dans une chaise pour faire le tour des photos et compiler les statistiques de la journée.


[20:00] Sont-ce les mouches noires qui m'ont influencé, mais j'ai eu la brillante idée de sonder une porte ou deux et coup de chance, la chambre no 3 n'est pas verrouillée et après inspection, prête à accueillir un client. Qu'est-ce que vous auriez fait à ma place ?


[21:30] Personne ne s'est présenté, aucune activité à l'office à deux portes de la mienne, je pense que peux dormir tranquille dans mon squat... Vent d'absence.


43.9741, -74.4206

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samedi 14 juin 2008

Jour 1: C'est parti

195 km. Cum: 195 km.

Ferrisburg, VT - Une jolie surprise vers 7:00 ce matin. Monia avait comploté avec sa sœur et juste avant qu'on décolle, Nancy, Patrick, Léo et Rose apparaissent en avant de chez-nous avec une belle affiche pour me souhaiter un bon voyage. Ce n'était pas assez, ils ont réapparus sur Pierre Laporte une 2e fois. C'est une belle délicatesse émouvante, rien pour chasser la fébrilité de ce matin...


Monia m'a accompagné jusqu'à Frelighsburg et disons qu'il n'y a pas de façon facile de se séparer géographiquement pour 90 jours, mais le sang-froid de Monia dans ces moments difficiles m'impressionnera toujours...


Je suis arrivé au Lac Champlain sur le radar vers 10:45 après un passage aux douanes un peu surréaliste avec un douanier incrédule. Faut avouer qu'ils ont toujours l'air incrédule même devant l'évidence la plus triviale. Plusieurs km le long du lac bordé de résidences parfois cossues, parfois ordinaires, parfois secondaires et parfois très très secondaires. Mallett's Bay toujours impressionnante avec sa marina bien garnie. Pour le reste, un paysage agricole et campagnard avec son lot de vaches, chevaux et d'épandeurs à fumier... Eh oui, les paysages bucoliques en direct, ça vient avec quelques odeurs.


La pluie vers 15:00 est venue d'abord me rafraîchir, graduellement ça s'est intensifié et j'ai même dû m'abriter quelques minutes quand le tonnerre s'est mis de la partie. Vers 16:30, Skyview Motel est apparu et ce fut la fin des émissions.


Bonne première journée. Pas de bobo, mais je devrai manger plus souvent, en fait profiter des occasions qui se présentent. Les sandales ont dû être refixées plus solidement et le GPS fait des siennes. La portion de route actuelle ne se charge pas bien dans l'appareil et je dois travailler différemment. C'est peut-être dû au fait que j'ai mis à jour le firmware 3 jours avant le départ. J'entends d'ici quelques perspicaces se dire que j'aurais dû observer un gel de changements une semaine ou deux avant le départ.


J'ai roulé 8 heures au total et le vent a été non-significatif sur la majeure partie du trajet. Vent de rien.


44.20298, -73.2461

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jeudi 12 juin 2008

Jour -1: Prêt ou presque


0 km. Cum: 0km.

Bromont, Qc - Ça y est, le décompte arrive à zéro. La bécane, le bonhomme et le peu de bagages sont tous fin prêts pour l'aventure. On ne sait toujours pas au jour -1 si Monia pourra lire à l'ombre à l'extérieur cet été, l'abri-soleil ayant foutu le camp à la dernière tempête de vent et on ne sait pas encore si une solution de rechange est disponible. On n'y était presque hier, mais on n'essayait en vain d'installer un abri 10' X 12' sur un balcon 10' X 10'... Monia, un pied, c'est 12 pouces, pas 10 ! :-) Heureusement, la quicaillerie nous a remboursé presqu'en totalité...

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À la fin de chaque article, vous verrez deux nombres. Ce seront les coordonnées GPS de ma position. Vous pouvez copier, coller cette paire [latitude, longitude] dans le champ de recherche de Google Maps pour voir où je me trouverai à chaque jour. On commence aujourd'hui...

45.297, -72.71


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dimanche 8 juin 2008

Jour -5: Une dernière compétition avant de partir

0 km. Cum: 0 km.

Bromont, Qc - Je continue de m'entraîner avant de partir question de ne pas trop être rouillé avant de partir. Monia m'a accompagné hier pour une dernière petite randonnée de 75 km qui m'a fait espérer que les routes que j'emprunterai seront plus belles que le terrain miné entre Foster et Warden. Que dire des chauffards sur cette section. Je rêve que le Ministère des Transports accentue la sensibilisation des usagers de la route concernant la "règle du tracteur". Dans le code de la route, il est écrit noir sur blanc qu'un cycliste, ça se dépasse dans l'autre voie lorsque le dépassement est sécuritaire. Ici, on nous traite généralement comme si nous n'avions pas d'affaire sur la chaussée. Le traffic léger et l'asphalte neuve du 8e rang à St-Joachim nous a redonné le sourire que nous avions dans la section autour du Lac Brome. Ça m'a aussi permis de tester comme il faut la conduite avec le support à bagages.

Aujourd'hui dimanche, après la course matinale, il ne fallait pas trop flâner en lisant le journal, car nous étions attendus à 9:15 au Parc Davignon de Cowansville pour le Triathlon des Coeurs Heureux organisée par Rachel Hémond épaulée de sa soeur (ma filleule illégitime d'adoption) Marguerite et leur amie Noémie. 15 participants, dont 3 venus expressément de l'Île d'Orléans, se sont disputés les honneurs de cette compétition très excitante et surtout organisée avec beaucoup de minutie. Même si l'organisatrice en chef n'a que 11 ans, nous avons reçu des invitations par courriel, une liste de choses à apporter; au départ, nous avions tous des numéros, des instructions précises, une carte et même un parcours mesuré au mètre près avec un GPS !

Divisés en 5 équipes de 3 personnes, toutes identifiées à une couleur et affublées du nom de leur choix, les adultes devaient faire un trajet de 990m de patins, 990m de course à pied pendant que les enfants faisaient un peu moins de 400m de ces épreuves sur un parcours parallèle. Les équipiers devaient ensuite se rassembler pour parcourir tous ensemble 7,7 km de vélo dans une belle balade pittoresque le long du lac Davignon. Les Dragons verts ont été les plus rapides avec un temps de 30m 23s. Les Canadiens (mon équipe des Rouges) a fini dernière en 42m 48s.

Premiers ou derniers, tous se sont vraiment amusés et ont mis de côté la compétition pour se concentrer sur l'entraide et la participation. C'est sûrement comme ça que Rachel voulait que ça se passe et le nom qu'elle a donné à l'évènement en témoigne à 100%. Merci Rachel !

En cette journée caniculaire annonçant le début de l'été, le Gatorade a coulé à flots et tous ont apprécié la saucette d'après-course dans la piscine. Marguerite en a profité pour me remettre un papillon de sa fabrication qui me suivra pendant ma chevauchée à vélo à travers l'Amérique. Je vais essayer de l'insérer dans mes photos de voyage le plus souvent possible. Parlant de photos, dans la colonne de droite, un nouveau lien vous mène à MyPhotoAlbum. Vous y trouverez les photos de voyages précédents, de notre triathlon d'aujourd'hui, mais aussi, dès le 14 juin, les photos du voyage dans l'album intitulé MPAOntheGo.


Plus que 5 jours...