mardi 24 juin 2008

Jour 11: Gens du Pays

141 km. Cum: 1700 km.


Xenia, OH - Ce matin, je me suis arrêté au café-dépanneur dans un petit bled pour faire le plein. À l'intérieur, un râleur de première déblatérait une histoire familiale d'horreur, probablement sur le point de divorcer, en faisant mine de lire son journal. "Ils ne m'écoutent jamais". Il me faisait penser à Bernard dans Les Voisins (Bernard, j'ai dit Bernard!). Pauvre caissière. À l'extérieur, je pique une jasette avec Jack et George qui s'étouffent dans leur café quand je leur explique d'où je viens et où je vais. Dans cet univers de voiture, 25 km de vélo, c'est une expédition pour bien du monde. Invariablement, le fait que je me promène seul, ça les impressionne. L'autre question typique, les pneus de rechange. Finalement, le GPS. Je pense que George me l'aurait acheté sur le champ, tandis que Jack s'en éloignait comme si ça pouvait mordre. Jack vient du Kentucky et je devais vraiment être attentif avec ce gros accent du sud. Ils sont déja passés à Montréal, peuvent très bien situer le Québec, mais ne peuvent me renseigner sur rien qui dépasse 50 km de rayon de leur bled. Quand j'y pense, c'est bien logique, comme je suis surtout sur les routes secondaires, il n'est évident pour personne de pouvoir connaître tous les patelins de leur coin. Combien à Bromont pourraient donner des indications pour Notre-Dame-de-Stanbridge, Mystic ou St-Liboire ? Parlant de noms de village, dans les 11 derniers jours, je suis passé par Greece, Sweden, Barcelona, Texas, Mexico, Delaware, Florence et Lisbonne.


À part de ça, j'ai plus ou moins exploré le paysage. J'ai l'impression de rouler sur un tapis roulant au royaume du maïs-éthanol, du blé et du tracteur à gazon. J'ai la tête au Québec aujourd'hui, le 24. Dans un voyage comme je fais, les jours perdent leur feeling. Le dimanche, le mercredi ou le lundi, ça n'a plus d'importance, mais le 24 juin, ce n'est pas pareil. Ce n'est pas que je sois un adepte des festivités de la St-Jean, mais loin de chez-soi, on est toujours plus patriote. Ça doit être vraiment dur à Kandahar pour un Tremblay de Val-Cartier. Cafardeux, j'ai mis les freins après 100 km à un joli B&B pour relaxer un peu me visualisant sur la véranda pour finalement entendre chanter comme du monde dans mon iPod les tunes québécoises que je fredonne depuis que je roule ce matin:


Je reviendrai à Montréal, Robert Charlebois. Gens du Pays, Gilles Vigneault. Le Monde est à Pleurer, Jean Leloup. Dédé, Les Colocs. Casse-Cou, Malajube. Gate 22, Pascale Picard. Les Fraises et les Framboises, La Famille Soucy (oui, oui, j'ai ça dans mon iPod). Jonquière, Plume. Intouchable et Immortel, Daniel Bélanger.


Je commence à craindre l'aventure de Long Lake après une heure assis sur le perron que le proprio se présente, mais la voici qui arrive en voiture pour me dire qu'il n'y a pas de place ce soir... D'uh! Je repars sur ma bécane, résigné. Un cycliste me salue et voyant mon attirail et surtout me voyant un peu hésitant, il m'indique l'entrée de la piste cyclable. Je me doutais qu'il y avait une piste, car mon GPS qui ne connaît que les routes, me pointait dans des drôles d'aller-retour. Une belle piste asphaltée et large qui va jusqu'à Cincinnati. L'avantage de la piste dans cette plaine, c'est l'ombre des arbres qui forment aussi un abri contre le vent. Voici Ken, soixantaine, régulier de la piste. Il me dit qu'il y a probablement de l'hébergement à Cedarsville. On jase en roulant à 28 km/h. J'ai enfin trouvé quelqu'un à qui partager que c'est aujourd'hui mon 4 juillet et que j'ai un peu le mal du pays. Comme il va jusqu'à Xenia et que ça roule bien, je décide de me rendre là. À Cedarsville, pendant que je vais aux toilettes, Ken a rencontré son vieux chum Phil et on continue la route à 3. Phil, à 61 ans, roule 10000 km par année et il a presque tout fait le réseau de l'ACA. Il partira justement le 7 juillet de Seattle pour revenir ici. Cette rencontre m'a requinqué et m'a finalement fait passer une belle fête nationale. Je vais quand même passer la soirée à écouter du Québécois sur mon iPod.


Je roule encore pour quelques jours sur la route qui a jadis servi à libérer des esclaves. Récemment, Monia et moi avons eu un aperçu de la répression exercée en Chine sur les peuples Tibétains et Ouïghours. De plusieurs façons, on doit à nos ascendants lointains et récents notre richesse en tant que peuple et nos libertés les plus chères. C'est ainsi qu'un grand flanc mou de Cabano peut rouler son Cannondale sur le grand continent et affirmer sans rougir qu'il est un francophone du Québec. Vent de fierté.


39.6848, -83.9343

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