jeudi 19 juin 2008

Jour 6: Un court retour au Canada

146 km. Cum: 938 km


Blasdell, NY - C'est le genre de jour où on se sent d’attaque pour faire 180 ou 200 km, mais où les éléments se liguent contre le cycliste et qu'il abouti au sud de Buffalo, l’ambition compromise, mais tout de même heureux de sa journée.


7:30, 10 degrés, ensoleillé, sourire radieux. Petit déjeuner dans une franchise canadienne (Tim Horton's) et départ enjoué en ce pays plat de la fraise. Hier, c'était les pommes, aujourd'hui les fraises. Au moins les pommes, ça pousse dans les arbres et les arbres, ça coupe partiellement le vent. Vent de gueule all right, on pourrait même dire vent de dents: le faciès tordu, la bouche entrouverte comme monsieur Chose qui cherche ses lunettes.


De temps en temps, comme je ne veux pas faire la piste cyclable le long du canal, je dois emprunter les ponts qui franchissent le canal, la route alternant d'un côté à l'autre. Le tablier de ces ponts est un quadrillage d'acier et j'ai la chienne à chaque fois. Imaginez, j'ai peur quand je traverse le pont Victoria à Montréal avec ma voiture. À Lockport, un centre d'interprétation des écluses avec des centaines d'écoliers. Je prends mon temps et j'observe le mécanisme que j'ai déjà vu, mais c'est curieusement captivant. Les enfants n'écoutent pas le guide pantoute, ils cherchent juste à voir leurs amis dans le bateau pour leur faire des tatas. Que de décibels tout à coup.


À 10 km de Niagara, une pause pipi et collation. 10 minutes après, la pluie qui commence, alors j'arrête pour mettre mon jacket. 10 minutes après, crevaison no 3. On répare ça et on repart. 10 minutes après, le soleil sort, trop chaud, enlève le jacket. C'est long. Si tu veux qu'il mouille, enlève ton jacket; si tu veux que le soleil se cache, remets de la crème solaire; vous comprenez le principe.


Il y a une méchante drop entre le lac Erie et le lac Ontario. Je pense qu'ils devraient exploiter ça. Ah b'en, oubliez ça, c'est déja fait... Welcome to Niagara Falls !


Premier épisode de ponts et de douanes. Après avoir fait quelques détours stériles, je finis par trouver l'accès à la promenade pour observer les chutes américaines. Quelques clichés, je me dirige ensuite vers le Rainbow Bridge. L'entrée du péage m'intimide et comme il n'y a d'indiqué que le prix pour les voitures, je conclus que les cyclistes sont considérés des piétons. Je trouve le dédale qui finit par mener au pont piétonnier et merde: «No bikes on pedestrian bridge». &!@**#. Je reviens au passage des voitures et le préposé me demande 50¢ tout bonnement comme s'il voyait des cyclistes là tous les jours. De l'autre côté, la douanière canadienne ne me demande même pas d'identification. Typiquement Canadien et très sécuritaire, comme Maxime Bernier.


Ce passage du côté canadien permet d'éviter un paysage industriel sur la rive américaine. De plus, un parc linéaire fait 25 km le long de la rive canadienne et la voie de service de ce parc permet de faire du 28 km/h sans trop se forcer. Mais c'était sans compter les hordes de touristes sur les premiers km; encore une fois, un chien dans un jeu de quilles. J'ai fini par m'extirper de cette foule et rouler enfin à bon rythme jusqu'au Peace Bridge.


Deuxième épisode de ponts et de douanes. L'approche canadienne du Peace Bridge est en construction. Festival du zéro-trois-quart #$*!@&, je dois tenir Cannondale par la main. Enfin sur l'asphalte, je m'engage timidement sur le pont avec quelques mastodontes dans le rétroviseur. OK, ok, je vais aller sur le trottoir ! Arrivé vivant de l'autre côté, je fais la file avec les voitures pour la douane. Un valeureux douanier marche ¼ de mille jusqu'à moi pour me dire que je n'ai pas d'affaire là, car c'est la file des voitures. So f*&?# what ? Je dois aller à l'entrée des piétons, cogner à la porte de l'immigration et ils vont m'arranger ça. Une demi-heure à niaiser là pendant qu'ils photographient et prennent les empreintes digitales des "visiteurs internationaux". Heureusement que je suis Canadien, ça, ça ne compte pas pour international, mais ça n’accélère pas mon passage pour autant. Finalement: "When do you plan to make it back to Canada ?", "Vers la fin juillet, [si je peux arrêter de poireauter aux douanes !]". Je sors de là un peu écoeuré et là, deux autres boeufs à l'extérieur me demandent où est ce que je vais. Je leur réponds que je vais à peu près vers le sud et que je suis l'itinéraire sur un GPS. Par deux fois, Einstein insiste que je ne peux pas aller sur l'autoroute... C'est vrai que ça irait b'en mieux sur l'autoroute, mais rassurez-vous, je suis un peu malade dans la tête, mais pas crétin. Ah, que j'aime les douaniers américains !


Sorti de là, c'est le port de Buffalo et le HSBC Arena à côté du vieil Auditorium. C'est plus fort que moi, chaque fois que je tombe sur un aréna de la LNH, je le photographie comme si c'était la Tour Eiffel. De là, c'est un peu de Pointe-aux-Trembles, un peu de Bronx et finalement un bord d'autoroute avec tout ce qu'il faut. Un arrêt au bon moment avec les cumulo-nimbus qui éclateront dans l'heure et ça va être laid.


Après le duct-tape et les tie-wraps, un autre essentiel à ajouter au sac: La colle Epoxy. [Écoutons Denis Gagné de l'émission L'Épicerie]: Vous avez mordu trop fort dans votre tétine de CamelBack, le Gatorade goutte par la fente et vous tombe régulièrement sur la cuisse ? Qu'à cela ne tienne, scellez la circonférence de l'embout avec de la colle Epoxy, laissez sécher jusqu'au lendemain et arrêtez de mordre dedans comme si c'était un mouth-piece. [Merci Denis]. J'ai dû être un doberman dans une autre vie. J'avais eu le même bris en Afrique.

Je n'étais pas si excité que ça à l'idée de revoir les Chutes Niagara une 3e fois, mais quand j'ai tout à coup réalisé que je m'y étais propulsé avec mes jambes en 6 jours, j'ai eu une petite émotion bien dissimulée par l'humidité ambiante. Vent de brume.


42.7917,-78.8185


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4 commentaires:

Anonyme a dit...

Moi aussi j'ai peur sur le pont Victoria mais c'est à cause de ta voiture Eric.

Monia

Anonyme a dit...

Monia devrait toujours compléter tes récits, on comprendrais mieux tes Dark Sides... ;-) (Monia, j'ai bien rit !!

Be careful, Superman !

Michael G

Eric Garant a dit...

Salut Truite!
Je lis ton récit au pays des fraises et je ne peux m’empêcher de penser à mes bluets du lac St-Jean. Tu sais desquels je parle
Lâches pas la cadence. Vendredi.

Anonyme a dit...

Éric!!
C'est fou comment tout est différent quand on prend le temps de le vivre à vélo...
Malgré plusieurs voyages sur la côte du "Maine" rien n'égalera la première fois que je m'y suis rendu à 16 ans à vélo...
Tout est encore très claire à mon esprit: la température, les odeurs, l'humeur de mes amis,les excuses pour prendre des pauses,la fatigue extrême à la fin d'une grosse journée, les négociations pour réussir à dormir 3 dans une chambre à 1 lit double pour 30$... Nous étions parti pour 14 jours. À la deuxième journée, nous n'étions même pas certain de revenir à vélo... ;-).
À demain!