lundi 23 juin 2008

Jour 10: La foudre ou la merde

181 km. Cum: 1559 km.


Delaware, OH - Ce matin, au check-out, une dame a failli faire une syncope quand je lui ai répondu "Delaware" à sa question: "Vous allez rouler jusqu'où aujourd'hui ?". On a tous réalisé en même temps que le seul Delaware que la dame connaissait, c'est l'état situé à 800 km d'ici. Une des employés derrière le comptoir croyait se souvenir qu'il y a une ville nommée Delaware en Ohio et elle ajoute avec un soupçon de mépris: "Ah, ces cyclistes, je ne serais pas surpris d'en voir un se rendre au Delaware en une journée...". Je ne sais pas si c'est l'habillement, n'importe quel cycliste accoutré comme moi a l'air d'un coureur du Tour de France, si on fait abstraction de la bedondaine de quarantaine qui se dissimule mal dans du lycra-polyester. C'est peut-être le tube du Camel-back qui nous rend suspect, merci à Geneviève Jeanson, Floyd Landis et le 3/4 du peloton; certains pensent peut-être qu'on carbure à la dope. C'est juste une longue balade à l'eau claire. La dame m'a interpelé de nouveau à l'extérieur pour me féliciter de mon courage, insistant surtout sur le fait que je sois parti seul... Ils regardent trop la télé...


En quittant Oberlin, j'en profite pour faire un petit tour du campus universitaire dont certains bâtiments sont magnifiques. Les frais de scolarité sont trop bas au Québec. Plus loin, c'est la ville de Wellington qui m'éblouit. C'est ensuite le retour à la campagne, tellement planche que je ne pense pas avoir eu besoin de mon dérailleur sur les 40 premiers km.


Je me rends compte que j'ai pénétré en territoire Amish en remarquant les affiches artisanales devant les maisons annonçant la vente de produits de la terre. Toutes indiquent qu'ils n'y a pas de vente le dimanche. Les fermes de dimension humaine, les champs travaillés à cheval, ces scènes pastorales me donnent l'impression de rouler dans un vieux magazine National Geographic. J'ai mangé ma pomme en jasant avec trois de ceux-ci qui récoltaient des fraises. Très sympathiques, ils posent des questions courtes et précises et il faut travailler fort pour les faire parler plus que nécessaire. Ils se savent sujets de curiosité et ont probablement développé des réflexes pour esquiver les sujets conflictuels vs la société moderne. Ils m'ont dit qu'ils voyaient passer beaucoup de cyclistes qui font comme moi. B'en chanceux, parce que moi je n'en vois pas b'en b'en jusqu'à date.


Après avoir croisé quelques carrioles, j'ai graduellement perdu leur trace et la douce ondulation de la route a tout à coup prise de l'amplitude et j'ai été quitte pour une trentaine de km de montagnes russes. À part quelques murs, c'était agréable et grisant à descendre.


Après Hayesville, Jeromesville, je m'arrête à Mifflin vers midi pour une pause collation. Encore une trentaine de km, après Butler où j'ai fait une pause sandwich à la crème glacée, un gros nuage noir est apparu au dessus de ma tête comme dans les bandes dessinées. J'entends le tonnerre qui commence à gronder au loin. Contrairement à hier où j'ai pu m'abriter dans un dépanneur, là, je suis dans le champ sur une plaine ouverte, exposé au max sur mon Cannondale en aluminium, une cible parfaite. Rouler à la pluie, d'accord, mais la foudre, pas conseillé. Je cherche un abri un peu paniqué à 35 km/h et enfin j'aperçois une ferme sur la droite. Il n'y a qu'un chien pour m'accueillir, mais m'en fiche, je ne cherche qu'un abri temporaire. La maison n'a pas de véranda, les deux manières de garage sont fermés, ma seul alternative, c'est le genre d'enclos où il y a de la machinerie. Ce n'est pas ouvert vraiment, mais la barrière de la hauteur d'une bande de patinoire me semble franchissable. J'appuie le vélo sur la bande et déjà je commence à me faire bombarder par les clous de pluie qui commencent à tomber. En me hissant sur les paumes, j'enjambe la barrière et saute à l'intérieur. L'atterrissage est plus doux que prévu. Me voilà les deux pieds dans 6 pouces de fumier. Ce matin je roulais dans le National Geographic, là me voici les deux pieds directement dans le Bulletin des Agriculteurs. Heureusement, il y avait une surface moins grasse plus près du tracteur, mais j'étais ni plus ni moins qu'au plus bas dans la hiérarchie des aires agricoles, à la hauteur du tas de fumier. Pendant ce temps, alors que les mouches me dévoraient, le blé d'inde était au 45 et la tôle du bâtiment percussionnait sous le battement ininterrompu de la pluie et des grêlons. Une heure à la ferme...


Je suis reparti dans une timide éclaircie et je me suis fait poivrer un bon 45 minutes solide, mais sans le tonnerre, la pluie je dois faire avec. Peut-être ai-je mal travaillé mon hydratation, peut-être ai-je trop poussé voulant rattraper l'heure passée chez monsieur Séguin, mais j'ai utilisé mes sels d'hydratation (Gastrolite) pour la première fois, un ischio-jambier voulant se rebeller.


Je suis finalement arrivé à 18:30 au motel. J'avoue que cet orage m'a enlevé le sourire que j'avais dans la face depuis le début du voyage. Un orage par jour, de la grêle, je n'avais pas ça dans ma planification, mais c'est le lot de l'aventure, n'est-ce pas ? Vent de tempête.


40.2714,-83.0695



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3 commentaires:

Anonyme a dit...

Salut Eric j'avais envie de te dire tout simplement ..."après la pluie, le beau temps" et... "pierre qui roule n'ammasse pas mousse" alors go eric go!

Hi! Hi! Hi! Nancy
Ps Tes photos sont superbes!

Anonyme a dit...

Oups... Bonne St-Jean Eric! Rose, Léo,Patrick et Nancy Ciao

Unknown a dit...

Bravo tu trouve toujours une façon différente de qualifier le vent de... comme Guy A Lepage le faisait en parlant de Céline Galipeau. Bye mon amour