mardi 5 août 2008

Jour 52: En revenant de Rigaud

132 km. Cum: 7640 km.


Seaside, OR - Rouler 196 km dans le vent, courir 20 km à moins trente, rester une demi-journée sur un appel-conférence à faire sans cesse répéter ceux qui marmonnent à 10 mètres du micro, n'importe quand, c'est dans mes cordes, comme on dit. Mais faites-moi marcher 500 pieds dans le sable avec des sandales sans mes orthèses et vous croirez que je viens boire une caisse de bière. Ma petite promenade pour aller photographier les vagues avant de déjeuner devait être hilarante pour quelqu'un qui me regardait de sa chambre d'hôtel. J'ai trébuché deux fois sur des branches sèches qui traînent sur la haute grève, une de mes sandales a planté dans la dune et j'ai failli piquer tête première. C'est sans compter ma titubance générale dans ce terrain mou.


À Neskowin, un seul magasin, un seul restaurant et tout ouvre à huit heures. En situation de monopole, le Hawk Creek Cafe pourrait se laisser aller, mais tout au contraire, le service et la nourriture sont impeccables. Installé au bar, je me suis régalé en observant les trois employés opérer comme un engrenage de montre suisse. Aucun pas n'est perdu. C'est un de ces matins où je flotte encore sur le high de la veille. Je reconnais bien le feeling récurrent. Une inertie joyeuse combat le départ, le dernier réchaud de café se rend en troisième période de prolongation et il me semble qu'ils auraient besoin d'un quatrième employé pour accueillir les clients avec un chic accent français.


Avant de vider ma tasse définitivement, dans une conversation sur l'environnement et les OGMs avec un client et la serveuse, j'énonce la théorie d'Andron qui stipule que si l'humain avait une plus grande espérance de vie, 500 ans par exemple, ou s'il était immortel comme certains elfes des contes fantastiques, il serait beaucoup plus conscient de la préservation de son environnement. Le client me regarde dans les yeux comme pour essayer de détecter si je ne sors pas de l'asile ou quelque chose du genre et me dit: "Je suis d'accord, mais un p'tit conseil, si tu ne veux pas hypothéquer ton espérance de vie, ne répète pas des affaires de même au Kansas". Hilarité générale.


Je pars à dix heures dans un froid humide, une nappe de nuages stationnée au dessus de l'océan cache le soleil. Ce matin, le vent, j'en fais fi. Il peut se déchaîner comme il voudra, sous son souffle je déploierai tous mes efforts tel un étendard glorifiant le privilège choisi de rouler un lundi. Un lundi, jour ouvrable. L'inertie du déjeuner s'efface dès les premiers kilomètres à humer les effluves salines qui transpirent de la mince forêt qui me sépare de l'océan. Jusqu'à Tillamook, la route suit la côte en trois caps qui exigent chacun de grimper une couple de cent mètres qui mènent chaque fois à la rencontre de la nappe de brume. En haut du cap Lookout, je rencontre Jason, Mark et Kevin qui descendent la côte de Portland jusqu'à San Francisco. Entre l'école et d'autres obligations, ils aimeraient avoir plus de temps et aussi plus d'argent. Dans 20 ans, les gars...


Toute la journée, la température a oscillé d'une bonne dizaine de degrés dépendant de quel côté d'un cap je me trouvais, au niveau ou non de l'afflux constant de vapeur humide. J'ai joué au fou avec mon jacket une couple de fois pour finir par l'enlever définitivement, quitte à avoir un peu froid dans certaines sections.


Après Tillamook, une vingtaine de kilomètres loin de la côte mènent à Nehalem où des Témoins de Jehovah m'offrent de la lecture pendant que je mange une glace. Désolé, mais je voyage léger. Jusqu'à Cannon Beach, j'ai dû croiser une centaine de cyclistes, dont un grand groupe avec le même grand flag flexible deux fois haut comme le vélo. Je pense qu'ils avaient aussi mis des cartes de hockey dans les rayons pour faire du bruit... B'en non, mais avouez que vous avez déjà fait ça quand vous étiez jeune flot. Toujours un peu de montée entre les villages, ceux-ci étant postés dans les anses et entre les falaises. En additionnant toutes ces courtes montées, le GPS a cumulé 1300 m d'ascension, malgré que je sois parti et arrivé au niveau de la mer. Je suis arrivé à 17:30 à Seaside, sans avoir pensé au vent une seule seconde.


Astoria est à moins de 30 km. C'est le terminus de la TransAm Trail. Comme je continue vers le nord, je n'accorde pas beaucoup d'importance à ce passage. C'est la journée d'hier qui constitue mon point pivot et je me considère déja sur le chemin du retour. Ça fait que j'ai eu en tête ce vieux sketch radiophonique de RBO dans lequel la famille de colons fait un voyage à Rigaud en charrette à cheval. "OK les enfants, on est rendu à Rigaud, on peut s'en r'tourner". C'est ce même classique qui a immortalisé: "Le chien l'aurions probablement mangé". Dire que je passe mes journées à ressasser toutes ces niaiseries en riant tout seul sur ma bécane. Vent de Rigaud.


45.9772, -123.9269

5 commentaires:

Unknown a dit...

Je retrouve dans ton texte mon chum maladroit. Dire qu'il peut pédaler autant mais qu'il peut s'enfarger si facilement. Bye mon amour

Anonyme a dit...

Tes photos sont écoeurantes! La vue est incroyable!

Ok, la photo de passeport de Monia??? Je ne comprends pas?


Wally

Famille Beaulieu a dit...

Idem pour la photo de passeport de Monia... même que, excuse si je "paranoie" un peu, mais je crois que c'est pas une bonne idée de voir le no de passeport au complet avec la photo et la signature.. !!

Anonyme a dit...

J'ai rendu Gen aussi accro que moi a la lecture de ton blog. A tous les jours de nos vacances, meme par modem pour les 14 derniers jours, j'avais besoin de ma drogue...

Gen dit que tu devrais serieusement te mettre a l'ecriture.

Jack

Jean-Luc a dit...

T'es vraiment hot ! Tu méritais bien de voir la mer... elle et toi, deux infatigables pleins d'énergie, libres, inspirants, et qui font leur chemin sur la planète. Prends le temps de la savourer, et bon retour !

As-tu commencé à penser à ce que tu vas raconter au douanier en entrant en C-B ?... ;)

- JLH