jeudi 14 août 2008

Jour 61: Ne tuons pas la beauté du monde

220 km. Cum: 8891 km.


Golden, BC - Déjeuner dans un truck-stop, c'est une valeur sûre. C'est copieux, classique et il y a aussi que tu peux manger pour trois et la serveuse ne bronchera pas. J'étais en selle à sept heures moins quart, le ventre plein dans la fraîcheur matinale. Les montagnes cachent fréquemment le soleil, mais il serait abusif de sortir le jacket juste pour les sections ombragées. Depuis Kamloops, je longe la voie-ferrée ce qui garantie une certaine douceur de la pente. Aujourd'hui, la journée se divise en trois: 70 km de réchauffement jusqu'à Revelstoke, 70 km de grimpe du col de Rogers et 80 km pour redescendre à Golden. Comme je n'ai pas de détail du relief, j'imagine que c'est planche jusqu'à Revelstoke, que ça monte égal jusqu'au col et que ça descend doucement jusqu'à Golden. On en imagine des affaires...


Jusqu'à Revelstoke, c'est planche en moyenne. Je gagne 150 mètres, mais au prix de 300, compte tenu de toutes les ondulations. Un petit vent contraire pour ne pas mettre ça trop facile et à 10:15, je suis à la rivière Columbia qui mouille Revelstoke. Une pause sandwich & V8, une p'tite jasette avec un Hollandais qui a fait le tour de l'Espagne en bécane et hop, on attaque le col de Rogers.


Le col est hésitant. Ça ne monte jamais longtemps, il y a toujours un replat et souvent une redescente partielle de l'altitude gagnée. Je préfère quand ça monte une fois pour toutes. Là, je ne sais plus sur quel braquet danser. C'est un bien mince désagrément, car le paysage est époustouflant. Déjà, avant de quitter Revelstoke, j'avais commencé à mitrailler les montagnes avec ma caméra. En montant le col, j'ai pénétré dans le Parc National des Glaciers. J'ai éliminé les pauses automatiques aux 100 mètres, car j'étais constamment à l'arrêt pour photographier. Ironiquement, j'ai aperçu le Rocky Mountaineer, ce train de passager panoramique qui fait à peu près ma route, mais pas à la même vitesse. Moi, je peux arrêter quand je veux pour photographier, pas eux.


On dit que la beauté est dans les yeux de celui qui regarde. C'est effectivement subjectif dans bien des cas comme un beau Hummer, une belle vache, une belle pelouse. Comme dirait Jean-Louis, on ne voit pas la même chose, mais il y a cette beauté absolue et universelle, agnostique à tous les yeux. Un monolithe de roche plus ou moins effilé, coiffé de neige et de glace; une étendue d'eau qui miroite; de l'eau qui tombe de haut; des forêts intactes. Des choses simples mais grandioses à la fois, fruits de millions d'années de transformation. Ici, c'est au cube. Ça en est étourdissant, ça donne des frissons. On perçoit bien ici ce que Daniel Bélanger chante si bien: "La fin de l'homme ne sera pas la fin du monde".


Le sommet du col est à 1330 mètres et un peu plus loin, une station-service et un dépanneur où tout est hors de prix. Après avoir appelé ma douce, j'avance l'heure à 15:45 et m'engage dans la descente. Ces belles montagnes en roue libre me font penser à la question nationale. Je ne comprends pas pourquoi le Parti Québécois ne synchronise pas les référendums le 24 juin. Le 24, un bon spectacle, une couple de discours enflammés et beaucoup d'indécis sont prêts à voter oui jusqu'au lendemain. En revanche, si Jean Chrétien avait utilisé l'argent des commandites pour payer un voyage ici à tous les souverainistes mous, ceux-ci n'auraient plus jamais voulu quitter le Canada.


Après avoir atteint 800 mètres, la route s'aplanit pour quelques kilomètres et recommence à monter. Je commence alors à comprendre que mon attente m'a trompé et le relief peut encore me réserver n'importe quoi entre ici et Golden. Je fais l'inventaire de mes victuailles, utilise mon obsession des chiffres ronds pour me rationner aux 10 km et je chante du Beatles à pleine tête, entre autres: Glass Onion et Happiness is a Warm Gun en faussant autant que Yoko Ono. Ça monte jusqu'à 1100 mètres pour finir par redescendre par ondulations jusqu'à Golden situé à 750 mètres.


19:45, Mountain Time, Golden, BC. Une journée inoubliable où j'aurais aimé que vous m'accompagniez tous en un gros peloton pour qu'on voit tous la même chose, les photos ne pouvant rendre justice à ce paysage. J'en connais au moins une qui aurait été capable de me suivre. Vent de splendeur.


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1 commentaire:

Anonyme a dit...

Haaa, tes dernières photos me rapelle un voyage en Alberta ou j'ai visité Banff et Jasper! Ton voyage est très impressionnant! Ça va prendre des midi-conférences pour partager tout ça :)

Félicitation et lâche pas!

La fille à Ron D.