lundi 7 juillet 2008

Jour 23: C'est chaud, c'est chaud

159 km. Cum: 3418 km.


Toronto, KS - En sortant du Mcdo où j'ai pris mon petit déjeuner, une dame est ravie de rencontrer un Canadien-Français. Les gens apprennent mon origine quand ils me le demandent, forcément, mais plus souvent quand je m'excuse pour mon accent bizarre. En fait, dans bien des cas, c'est leur accent, le fameux southern drawl qui me donne des maux de tête. De dire que je suis francophone, ça me donne une excuse pour les faire répéter trois fois. L'arrière grand-père de la dame, un dénommé Desroches travaillait au Massachussetts dans les usines de textile et comme beaucoup d'autres de cette époque avait quitté son Québec natal. Quatre générations plus tard, c'est moi qui lui enseigne la bonne prononciation de Desroches qu'elle va oublier avant d'arriver chez elle. Ces gens qui m'abordent spontanément sont toujours sympathiques et je me fais un devoir de faire bonne figure afin que les cyclistes (et les Québécois) restent dans les bonnes grâces de ces braves gens.


Il était 8:15 quand j'ai commencé à pédaler dans la bonne direction. Le vent du sud-ouest a comme voulu me mettre en garde contre la tentation de prendre le Kansas à la légère. Ç'a beau être plat, quand il n'y a rien pour obstruer les bourrasques, il faut mettre les bouchées doubles si on va dans la direction inverse du souffle d'Éole. Je m'attendais à ne voir que du maïs et du blé. Il y en a, mais la plupart du temps, ce sont de grands champs d'herbes avec quelques grands arbres. Il y a du bétail, des chevaux et déjà des pompes à pétrole...


Avec un parcours fait d'angles droits qui déjoue le vent une fois sur deux, j'ai pu me payer quelques sprints gratuit vers le nord et à midi, j'étais à Chanute, à plus de 100 km du départ. Là, après avoir photographié la sculpture des girafes au Musée du Safari (!?!), j'ai atterri au Opie's Restaurant, un buffet festif où ça fait la file pour entrer. Je me rends compte que la plupart de ces gens sortent de la messe. D'ailleurs, une dame présente à son amie le nouveau pasteur de la grosse église. Quand je l'ai vu, j'ai compris que l'accent du sud m'avait encore joué des tours, car ce devait plutôt être le gros pasteur de la nouvelle église. Comme je terminais mon copieux repas de salade variée, de pizza, légumes bouillis et purée de pommes de terre, j'ai vu arriver un couple de cyclistes. J'étais content de pouvoir enfin échanger avec des confrères de route, mais je me suis buté à des gens très peu loquaces. Ils sont partis le 15 mai de l'Orégon et ont pris plusieurs jours de pause chez des amis en route. Je pense que la fille est muette, elle n'a pas sifflé mot. Le gars, à qui j'ai arraché quelques phrases, trouve qu'il fait trop chaud et qu'il a le vent dans la face depuis qu'il est parti. Peut-être que c'est le genre de journée où madame veut aller à droite et monsieur à gauche, mais si c'est faire ce voyage à vélo qui les rend de si bonne humeur, ils devraient s'acheter une voiture. J'avais pourtant changé de lunettes et il m'semble que je suis liant, sympathique et plein de bonne volonté. Les prochains auront sûrement un sourire accroché au visage et puis eux autres, b'en... Hein Jean-Louis, qu'est-ce qu'on dit dans ce temps là ?


La matinée de ce 6 juillet, jour d'anniversaire de mon filleul Louis-Philippe Giguère à qui je souhaite "Happy Birthday, live from Kansas", avait été très ensoleillée, mais le vent constant fausse l'impression de chaleur. C'est quand je suis ressorti du restaurant climatisé que j'ai vraiment réalisé qu'il faisait chaud, 35C en fait. Après un ravitaillement au dépanneur, j'ai repris la route vers l'ouest. Je me suis demandé si mes pneus pouvaient éclater à la chaleur en passant sur une bande d'asphalte noire. Je ne pense jamais avoir siphonné un sac de Gatorade aussi rapidement. Alors que je vois approcher probablement la seule côte significative du Kansas, j'aperçois l'enseigne d'une espèce de taverne sur la droite. Cannondale tourne tout seul vers cet oasis. Bonne idée, je vais prendre un Coke glacé et faire le plein d'eau avant de continuer, il n'est que 16:00 et je suis au milieu de nulle part. Une fois assis là, je me rends compte qu'ils servent des repas et qu'ils louent des cabines. Vendu ! Pour aller préparer ma chambre, la serveuse m'a confié la place une quinzaine de minutes. Peut-être que c'est parce que c'est dimanche soir, mais je suis le seul client et ça n'a pas l'air à marcher fort à part la madame qui essaie de gagner le jack-pot dans la machine à sous et le bonhomme qui commande un cheeseburger et qui me raconte des trucs que je ne comprends pas.


Il fait tellement chaud que je me suis presque brûlé après mon vélo en l'apportant à la chambre. Tellement chaud que la préposée a oublié de me laisser un savon de corps et plutôt que de me retaper une marche jusqu'au bar, je me suis lavé avec le liquide à vaisselle. Tellement chaud que demain, je déjoue la chaleur pour vrai et je quitte au lever du soleil. Vent de ruse.


37.7305, -95.9063


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3 commentaires:

Anonyme a dit...

Hey Dude!!!
Fais-toi en pas... Si les gens ont l'air bête, c'est surement pas à cause de toi!!! ;-)
J'aime bien le mot que tu as utilisé... "liant"... Très significatif.
Lâche pas et à la prochaine.

Unknown a dit...

Rappelle-toi ce que disais papa: c'est pas parce qu'on est instruit qu'on est éduqué!

J'ai appris que même quelque chose de gratuit n'attire pas toujours un merci.

Continue à sourire, quelqu'un va te le rendre...

Lâche pas,

Salut

Jeepee

Anonyme a dit...

oh! se laver au liquide à vaisselle, du Palmolive doux pour les mains ;-)? Bravo Éric pour tous ces km parcourus, même si ça fait l'envie du cycliste en moi, c'est superbe de le partager avec nous. Je suis ton aventure depuis le début, j'ai même augmenté mon objectif de km à vélo! Mais impossible de suivre ta cadence...

Continue!

Dale Cannon