jeudi 24 juillet 2008

Jour 41: Ceux qui passent et ceux qui restent

122 km. Cum: 5989 km.


Hamilton, MT - Un de mes premiers emplois d'étudiant fut préposé au kiosque touristique sur le bord de la Transcanadienne à Cabano. Tous ces touristes de passage me fascinaient. J'aimais voir arriver une plaque d'immatriculation d'un état inédit comme l'Alaska, l'Orégon ou l'Arizona. Après les avoir renseignés, je les regardais partir. Point fixe sur leur itinéraire, j'avais l'impression d'être un électron sur le fil conducteur de leur voyage, une croche immobile sur la portée de leur mélodie baladeuse. Le fait d'être né tout près de cette route a peut-être semé quelque chose en moi.


Les rôles se renversent. Je ne peux m'empêcher de penser, chaque matin que je quitte un patelin, que la serveuse du restaurant, le commis du dépanneur ou l'hôtelier seront encore là dans un mois, un an et qu'ils vont peut-être y mourir. C'est très bien comme ça, mais dans cette fugue itinérante, ça fait quand même drôle de réaliser que tout ce que je trouve beau et exceptionnel, eux le voient à tous les jours. La plupart sont des figurants de mon point de vue et je suis juste un autre passant de leur point de vue.


Ce matin, à Wisdom, pour la première fois je me suis dit que je pourrais très bien rester là. Les gens ont l'air d'y vivre simplement et paisiblement dans juste assez de cowboyerie et juste assez de modernité. Après tout ce kilométrage, c'est tout à l'honneur du Montana. Le paysage me satisfait, les nuits sont fraîches et il ne semble pas y avoir de physiothérapeute. B'en quoi, faut bien rapporter des sous à la maison !


Oui, le sud-ouest du Montana, je commence à le comprendre. Ma route ressemble ici à un long zigzag et ce sera ainsi jusqu'en Orégon. Pour aller à l'ouest, il faut nécessairement passer un ou des cols. Le reste du temps, la route longe une rivière dans une prairie enchâssée entre deux chaînons de Rocheuses. Ce matin, de Wisdom en direction ouest, après 20 km de prairie, je monte très graduellement dans une forêt de pins. Après avoir passé le site du massacre des indiens Nez Percé et une grimpe de 400m, les deux chaînons de montagnes se rejoignent à 2200m et je passe consécutivement le col du Chief Joseph et le col Lost Trail. Ce sont deux passages de la Continental Divide et un séjour de moins de 1 km dans l'Idaho.


De là, 15 km de descente où je perds 800m d'un coup. Pas besoin de vous décrire l'extase d'une telle descente en lacets. Le chemin s'aplanit un peu plus par la suite, mais continuera à descendre le reste de la journée. À Sula, je fais la pause. Je rencontre Janice et Trish, deux Canadiennes de Calgary. Toutes deux parties de Banff, Trish va jusqu'au Colorado et Janice continue sur la TransAm jusqu'à la jonction avec l'Underground Railroad, défaisant mon chemin jusqu'à Niagara où elle reviendra à la maison par les prairies. Comme les deux autres que j'ai rencontrés au même endroit, le col à venir leur fait peur. C'est effectivement intimidant de ce côté-ci. Bien content de l'avoir descendu !


Je continue ma descente après avoir passé près d'une heure à me faire aller le mâche-patates avec tout ce beau monde là. Je longe une rivière et de chaque côté des montagnes, particulièrement jolies sur ma gauche, les Monts Bitterroots. À Hamilton, je vérifie mes options d'hébergement à Stevensville 30 km plus loin, mais tout est complet. Comme dirait Pierre Houde, ma parole !


Je tiens à arrêter à Missoula, le QG de l'Association Cycliste, un incontournable. Mais de Missoula, c'est plus de 200 km pour traverser le col de Lolo sans escale possible pour moi qui voyage sans tente. J'ai alors décidé de rester ici ce soir, dormir à Lolo demain (75 km), ce qui me permettra un aller-retour à Missoula et surtout un point de départ stratégique en vue de traverser ce long col. Reste à trouver une piaule de l'autre côté du col. Je suis sur une liste d'attente en écrivant ces lignes.


Depuis Yellowstone, ce qui n'a jamais été problématique, l'hébergement, me demande tout à coup plus d'énergie. Hier, mon ami Mister Phil a fini par aller au poste de police dans un bled du Dakota du Nord. Ils l'ont laissé installer sa tente sur le terrain et utiliser les douches du poste. Bien mal pris, je pourrais commettre une infraction et passer la nuit en prison. Vent de haute-saison.


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1 commentaire:

Eric Garant a dit...

La couleur portée au langage dans la prose de ce matin me laisse croire que tu aurais peut-être confondu le vent de sagesse de Wisdom avec celui de fantaisie. Si tu avais choisi d’y rester une journée de plus, peut-être aurions-nous pu lire quelques Alexandrins:-)
Merci pour ces belles images que tu nous offre!