mercredi 9 juillet 2008

Jour 26: Chacun fait à sa façon

199 km. Cum: 3965 km.


Scott City, KS - Les cyclistes itinérants se divisent en deux groupes. Il y a ceux qui ont un véhicule de support (supported) et ceux qui n'en ont pas (self-supported). Les supportés roulent allèges et bénéficient des services logistiques de l'équipe de support. Dans le groupe des non-supportés, il y a ceux qui apportent leur toit et font du camping (typique) et il y a les moins typiques avec un budget qui dépendent des motels (credit-card riding) comme moi. Hier, j'ai rencontré une dame qui roule sur un recumbent (le mot français si qqn le connaît svp), fait la TransAm Trail par sections quelques semaines par année pendant que son époux la suit en véhicule de support. Chacun fait à sa façon. Andy et Sarah pédalent en couple avec un trailer, les deux airs bêtes du jour 23 pédalent en faisant la gueule au vent et moi je pédale en Éric, ultraléger, en chantant.


Je rencontre Chris au déjeuner. Retraité, il roule vers l'ouest comme moi, 80 - 100 km par jour, mais il a dû prendre la journée d'hier pour aller à Great Bend à rebrousse-chemin pour faire réparer un rayon cassé. Pauvre Chris, il a l'air fatigué et préoccupé, car un rayon cassé, c'est souvent signe que la roue arrière souffre d'une surcharge de poids. Par surcroit, il s'est farci la grande ligne droite entre Nickerson et Larned dans le vent infernal de l'avant-veille. Si moi, je pédale en Éric, c'est clair que lui a dû pédaler en Chris...


Chris me laisse terminer mon déjeuner, anxieux de partir et convaincu que je vais le dépasser. Le système d'alarme d'un pick-up stationné devant une chambre se déclenche et n'arrête plus. Je dis au type qui vient d'entrer que ça vient de simplifier de beaucoup le travail du préposé aux wake-up calls, il rigole et vient manger sa gaufre à ma table. Gene vient de Flint au Michigan. Quand il apprend que je travaille chez IBM, alors que lui a pris sa retraite en 1991 après une carrière de 30 ans chez Big Blue, son visage s'illumine et il me serre la main comme s'il renouait avec un membre de la famille après une longue absence. Fascinant les repères communs dans une compagnie de près de 400 000 employés, encore intacts même 17 ans après la retraite. Sacré Gene, il m'a fait prendre un deuxième café.


Le temps de ravitailler, il était 7:45 quand j'ai pris la route. Le vent souffle du Sud-est tel que promis et ça roule très bien. Vers l'ouest pour 20 km jusqu'à Sanford (sent-fort) et 30 autres franc-nord pour se rendre à Rush Center, je dois me discipliner à ne pas trop pousser de gros braquets. Au dépanneur de Rush Center, un client m'identifie immédiatement comme le Canadien, Chris m'ayant déjà annoncé.


Tout le reste de la route est franc-ouest et je roule au dessus de 25 km/h sans effort. Avant d'arriver à Ness City, je fais la rencontre de deux autres cyclistes qui m'abordent aussi comme The Canadian. Ce sont Jim et Jacob, père et fils, que je crois d'abord être des baroudeurs, car ils ont très peu de bagages, mais j'apprends que la mère suit dans un véhicule de support. Jacob a terminé le collège et est parti de San Francisco sans support. Ses parents l'ont rejoint au Colorado pour accélérer la cadence, car il a un temps limité. Ils me disent que Chris est à un demi-mille devant moi, mais comme il s'arrête aujourd'hui à Ness City, je ne le reverrai pas. À 12:30, je trouve que c'est gaspiller un bon vent favorable, mais chacun fait à sa façon.


Je dîne au Cactus Café qui offre un buffet avec un très bon choix de salades et des plats chauds comme du foie de veau. Miam miam. 13:00 et il me reste près de 100 km à faire. Il fait 29C, le vent commence à vouloir faire la girouette, mais ça demeure assez roulant. Je croise ensuite Dave et Belinda, un couple de Salinas en Californie qui fait la traversée vers l'Est avec Fido dans une remorque pour enfants. Chacun fait à sa façon. Ils sont extrêmement chargés et prennent une journée de repos sur cinq. Très chaleureux, leur bonne humeur est contagieuse.


40 km avant d'arriver, je croise un autre couple de jeunes sans support un peu moins chargés que les autres. Arrivés au Colorado, ils ont posté des trucs à la maison pour être moins chargés, mais quand ils ont vu mon organisation ultralégère, la fille a failli se mettre à pleurer. Quand j'ai voulu savoir leur nom, le gars s'est exclamé que le vent changeait de côté, une bonne nouvelle pour sa copine, une moins bonne pour moi. Après le ravitaillement à Dighton, il me reste un peu plus de 35 km. Ça va moins vite, mais ça avance. J'ai comme passé sur une roche, sensation bizarre et alors qu'il restait 15 km, j'ai effectivement constaté une crevaison lente. Pas vraiment le goût de changer un tube si près du but, alors j'ai monitoré la pression au doigt jusqu'à l'arrivée et j'ai réglé ça une fois à l'hôtel.


Je suis presque arrivé au Colorado et demain je change encore de fuseau horaire. Ça défile tellement vite, hier je constatais en regardant la chaîne météo que les prévisions qui me concernaient il n'y a pas si longtemps, Cleveland, Cincinnati, Louisville sont aujourd'hui sans importance. Autrement, à la télé, c'est du baseball mur à mur. Il y a même de la balle-molle féminine aux postes régionaux. La dernière fois que j'ai vu autant de balle, c'était dans mon jeune temps quand je partageais la fonction de marqueur et annonceur avec mon frère Jean-Pierre au stade des Braves quatre fois par semaine. En passant, si jamais vous assistez à une partie de baseball à Cabano, les deux animateurs de foule qui me ressemblent et qui donnent du fil à retordre aux arbitres et à l'adversaire, je ne les connais pas.


Tous les cyclistes que j'ai rencontrés jusqu'à maintenant sont impressionnés par la légèreté de ma charge. À deux reprises, on m'a fait le compliment qu'on n'avait jamais vu un cycliste non-supporté sur cette route avec si peu de bagages. Ce qu'ils ne savent pas, c'est que j'ai un support virtuel inestimable à travers votre lecture et vos commentaires. Qu'ils soient anecdotiques, instructifs, humoristiques, spirituels ou tout simplement encourageants, vos commentaires valent tous autant qu'un autobus de soutien. Vent de support.


38.4679, -100.9068

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3 commentaires:

Unknown a dit...

Le v'là qui renie sa famille alors qu'en me remplaçant au micro il a déjà annoncé: au baton le joueur de champ centre Chimon Beaulieu...

Toujours un plaisir de te lire... Bonne journée...

Jeepee

Nath-cousine a dit...

Salut mon Beau cousin...! Merci de m'avoir inclus dans ta liste d'envoi....je n'ai pas accès à internet souvent, vois-tu à la maison, avec 5 ados, André et moi on résiste à entrer internet de peur de passer toute nos soirée à gérer les plages horaire ou bien d'être obligé d'acheter 5 ordi...! Mais je me ferai un plaisir de regarder tout ca de temps en temps....! Je m'ennuie beaucoup, beaucoup de toi! Et monia aussi! Bref..tout ceci ne me surprends pas de toi...tu es fait pour ce genre d'aventure. Je suis fière de toi, lâches pas....je t'embrasse très fort, ta seule cousine préférée!!! xxxx Nath

Famille Beaulieu a dit...

Éric, nous sommes maintenant 3 à te lire : Louise et Simon avec moi ! On voyage dans 2 continents totalement différents en ces temps-ci..et en 2 modes de locomotion.. Avec Jérôme en bateau en Europe, et toi en vélo en Amérique ! Nous rions à toutes les fois que nous te lisons (on ne rit pas de toi..).