jeudi 24 juillet 2008

Jour 40: Reaching Wisdom

170 km. Cum: 5867 km.


Wisdom, MT - L'émoi causé par la tempête de grêle a fermé plusieurs commerces hier soir et je me suis retrouvé à bouffer du surgelé, réussissant de justesse à entrer dans l'épicerie avant la fermeture. Encore chanceux que la chambre soit équipée d'un four à micro-ondes. Je n'ai pas pris de chance et j'ai aussi acheté mon petit déjeuner hier soir. C'est un bien petit désagrément comparé à ces dégâts. J'ai pu quitter Sheridan à sept heures le ventre plein et bien habillé à 8 degrés C.


Il y a pas mal de dégâts dans le reste du village, des arbres effeuillés, des branches un peu partout, des fenêtres déjà placardées de contreplaqué. Des résidents m'ont confirmé que c'était exceptionnel et qu'ils ne laissent pas la pelle à neige sur le balcon en plein mois de juillet. C'est localisé dans le village, car 5 km plus loin, tout est normal. Pour 10 km, c'est une descente facile baignée par le soleil matinal jusqu'à Twin Bridges. Là, bifurcation vers le sud pour 50 km avec petit vent contraire et reprise des 100 m perdus. Je remonte la rivière Beaverhead comme Lewis & Clark il y a 200 ans. À la Beaverhead Rock, où un marqueur historique rappelle leur achat crucial de chevaux à cet endroit pour la traversée des Rocheuses, je reconnais un petit mal de tête caractéristique d'un manque de caféine. J'ai oublié ce détail dans mon déjeuner maison.


À Dillon à 10:00, je trouve tout ce qu'il faut pour un bon petit goûter, mais 10 km plus loin, je me rends compte que j'ai encore oublié le café ! Passé un certain point, j'ai besoin d'un café pour me rappeler que j'ai besoin de café. Vous allez dire que ce serait l'occasion rêvée de me sevrer de cette drogue, mais comme dit la chanson: Les promesses d'ivrogne ça s'tasse quand la soif te pogne.


Je grimpe d'abord le col de Beaver, un gain de 400 m pas trop difficile avec des pauses à chaque cran de 100 m que je fais coïncider avec le retrait graduel de mes vêtements d'appoint et des collations. La descente est courte et en bas, je croise Mark du Texas. Il est en vélo de montagne avec des sacoches en arrière. Il fait un sentier parallèle à ceux qui marchent la Continental Divide. Ce circuit relie des chemins forestiers, des routes de gravier et de courts segments d'asphalte, ce qui me permet de le rencontrer. Il est parti de Banff il y a un mois et devrait toucher la frontière du Mexique dans 90 jours. On a parlé une bonne demi-heure. Partis d'une même expérience de longue randonnée (il a fait l'Appalachian Trail), on partage nos impressions de randonnée cycliste montagne vs route. Belle rencontre. Les mountain-bikers, vous n'avez plus d'excuses !


Un deuxième col au programme, le Big Hole Pass. Grimpe similaire de 400m avec la même technique, le strip-tease en moins. Grimper ces cols est toujours gratifiant. Premièrement, on sait qu'on va descendre après et c'est toujours avec beaucoup d'avidité qu'on anticipe la vue qu'on aura du sommet. Ici, c'est la chaîne des Bitterroot Mountains qui émerge de l'horizon alors que je mouline les derniers mètres au sommet. Wow !


Descente obligée jusqu'à Jackson où je m'offre un Coca-Cola pour tenter de combler ma carence en caféine. Ce sera suffisant pour me faire fredonner le jingle de Coke pour le reste de la journée "C'est le vrai de vrai...". Pendant que je me fais ma dose, deux cyclistes que j'ai dépassés en amont se pointent. Je pensais qu'ils étaient de jeunes baroudeurs, les vélos étant nus, mais ils ont une voiture de support. Malgré cette légèreté, ils roulent sans se presser, partis de la Virginie le 17 mai...


Le dernier 30 km est une balade en scooter avec un vent favorable et une petite pente descendante. Ça me permet de remarquer les changements de couleur de l'asphalte. Sur près de 6000 km, j'en ai vu de l'asphalte. Il y en a de toutes les couleurs, aviez-vous déjà remarqué ? De la noire (neuve), de la grise (typique), de la verte, de la rose, de la rouillée et même de la blanche (béton). Je suis aussi à même d'apprécier les différentes textures de route. Il y a la courtepointe raboteuse (rue Shefford à Bromont), la satinée sans aspérités, la plus rough qui semble être un conglomérat de zéro-trois-quart, la mal roulée avec des crêtes et aussi le tar & chips en Illinois où on étend du goudron sur de la poussière de roche. Dans les plus grandes calamités de la route, je vous ai parlé des joints d'expansion et de la gomme noire, mais il ne faut pas oublier les vibreurs gravés le long de la voie qui servent à réveiller les chauffeurs endormis, mais qui sont à mon avis une nuisance pour les cyclistes. Au Québec, on ne trouve ces vibreurs que sur les autoroutes, mais à l'ouest du Mississippi, c'est la norme sur les routes principales.


À 40 ans, après 40 jours et 40 nuits de randonnée cycliste, je me réveille au village de Wisdom au Montana. Wisdom signifie sagesse. Je pourrais faire tout un bilan de ces 40 jours, mais je pense que vous avez pu constater combien une expérience si intense au quotidien nous apprend tout, mais rien au fond qu'on ne savait pas déjà. Que ce continent est grand, mais pas assez pour qu'il soit impossible à traverser en bécane. Que les pneus peuvent crever, les montagnes se hisser, les nuages se vider et les rafales se déchaîner, le cycliste même solitaire n'est jamais seul. Vent de sagesse.

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5 commentaires:

Unknown a dit...

« Personne ne doit avoir peur de l'inconnu parce que tout homme est capable de conquérir ce qu'il veut et qui lui est nécessaire. »L'Alchimiste

Anonyme a dit...

Ah, Eric! 40 ans...monia et toi me donnez le goût d'être philosophique...
Trouvés sur internet:

Chaque année, j'ai un an de moins que l'année d'après. Dieu sait comment ça va finir. [Tony Duvert]Il ne faut pas avoir peur du bonheur. C'est seulement un bon moment à passer. [Romain Gary] Hi!hi!hi!
Après tout, il faut avoir une jeunesse. L'âge où l'on se décide à être jeune importe peu... [Henri Duvernois] Alors,garde ton coeur d'enfant Eric! Amuse-toi! Nancy.

Monia, elle est superbe ta citation je la garde précieusement en tête...peut-être devrais-je aller au Sac à mots me procurer L'Alchimiste...

Anonyme a dit...

Salut Eric,

40 ans fut aussi pour moi une étape importante. Je voulais souligner ca en grand en ayant un gros party. Pour etre sur de ne pas etre décu j'ai organisé moi-meme mon party. A cette époque je croyais que c'était une idée folle...
Ta facon de vivre tes 40 ans m'impressionne énormément. Si mon idée était folle laisse-moi te dire que j'ai de la misère a qualifier ta folie.
Ne lache pas

Patrick Lemay

Anonyme a dit...

Moi je trouve très noble que certaines personnes donnent des livres au sac à mots (qui est un organisme pour l'alphabétisation). Bravo à ceux qui sont généreux et à bas les radoteux, Isabelle

Famille Beaulieu a dit...

Éric, j'ai pris du retard dans ma lecture...j'ai une excuse, je marche avec une canne ! :-) Mais je veux compatir avec toi sur ton manque de caféine au jour 40 ! Oublie ça.. tu pourras jamais te sevrer; c'est trop fort ! Faudra que je te donne ma recette de café oriental (style café Turc). Ce sera une autre raison pour rester accroché au café !! A+