lundi 21 juillet 2008

Jour 37: Le Grand Teton

133 km. Cum: 5402 km.


Yellowstone South Entrance, WY - Dubois dort encore à sept heures en ce dimanche matin. Le Cowboy Cafe tenu par des Français est exceptionnellement fermé, car il faut mener les enfants à l'aéroport. Pas dur à deviner, tout le monde en parle. Je déjeune au Kathy's Cafe dans une atmosphère détendue. Je me tape même plusieurs pages de magazine en sirotant un excellent café latte.


Le ciel s'ennuage par le temps que je sois prêt à partir à 8:30. Il fait 15 C, on endure le jacket. Pas trop mêlant pour les 50 premiers km, je grimpe 800 m jusqu'à Tugwotee Pass (2900 m). C'est une montée en escalier qui cède une vingtaine de mètres pour chaque cinquante gagné. À 9:30, une rafale de vent me fait échapper un juron. Je pense que je souffre maintenant d'une démence légère épisodique déclenchée par le vent. En Provence, il parait que le Mistral peut rendre fou. Moi, le Chinook est en train de me rendre paranoïaque. Cette rafale perdue était heureusement une fausse alerte.


À Tugwotee Pass, le ciel se dégage après avoir donné quelques gouttes dans la montée. Je passe de nouveau la Continental Divide pour me retrouver du côté du bassin versant Pacifique. Versant pas à peu près, car pour 17 milles, je descends à 6%. Cauchemar pour un camionneur, rêve humide pour un cycliste. Wow, une descente sublime, juste la bonne pente, 50 - 60 km/h, pas besoin de se blanchir les jointures sur les freins, du planeur. Un cycliste qui peine en sens contraire (Boise, ID à Denver, CO) m'annonce que dans 2 milles, je verrai les Tetons. Il n'a pas menti et à partir de ce moment, j'ai constamment freiné la descente pour collectionner les photos.


Je vais vous laisser voir ça sur les photos, ça se passe de commentaires. De plantureux pitons effilés coiffent des pyramides enneigées. Les explorateurs qui ont découvert et nommé ces merveilles passaient de longues semaines dans la solitude totale. J'imagine que la métaphore qui a mené au nom de ces montagnes trahit la pensée lubrique, mais prévisible du découvreur dénué de contact humain pendant si longtemps. Il a nommé ces montagnes en évoquant la plus belle chose qu'il pouvait imaginer à cet instant précis. Une théorie défendable, mais personnellement je n'y vois qu'un grandiose panorama de roche.


Je reviens exactement à la même altitude après ce long atterrissage et j'abouti à Moran Jct qui me semblait un village sur ma carte, mais ce n'est que la guérite du parc Grand Teton. Je ramasse le téléphone public et je passe 45 minutes d'un transfert d'appel à un autre à essayer de me dégoter un toit pour la nuit. Il y a un numéro central pour le logement autour des 2 parcs et ils m'ont souhaité bonne chance, c'est pour vous dire. Je me rabats alors sur mon premier appel, le Flagg Ranch Resort et me résigne à réserver une cabine à un prix exorbitant, toutes les autres options étant non-disponibles ou à rebrousse-chemin. Entre Grand Teton et Yellowstone, la loi de l'offre et la demande n'a pas son pareil.


Il me reste 30 km et il est 13:30. Je prends alors tout mon temps et profite du paysage, m'arrêtant à presque tout les overlooks. Je m'offre pour photographier un couple qui me rend la pareille et lorsqu'ils s'informent de mon itinéraire, j'ai l'impression d'être une vedette devant des groupies. Ils caressent le vélo, le GPS, mon tube de Camelback (!), tiennent mon casque et me bombardent de questions. Un peu plus, ils me demandaient mon autographe.


Après avoir frôlé Vail au Colorado, me voici tout près de Jackson Hole. Difficile de ne pas penser à mes potes sans-peur qui sont venus et reviendront sûrement skier ces pentes vertigineuses. Je connais vos spots un peu mieux maintenant.


J'étais tombé dans le piège de croire que le vent avait une dette envers moi. Le vent aussi contrariant soit-il est partie intégrante et conséquence de ce spectacle visuel extraordinaire. Que ce soit en renversant la vapeur ou en s'associant au relief grandiose, le vent finit toujours par nous rembourser dans un délai et un taux inconnu. Une seule chose est sûre, il paye toujours en nature. Vent de créance.


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4 commentaires:

Eric Garant a dit...

Merci pour les magnifiques photos. Je regardais celle ou l’on te voit sur ton vélo devant les montagnes, avec ta petite sacoche et ton grand smile… comme si tu étais parti pour une randonnée quelques km alors que tu es à 5400km… wow! T’as l’air en pleine forme ! PS : t’as bien fait d’enlever tes lunettes.. t’as l air moins teton lol

Unknown a dit...

Ben d'accord avec Garant. Tu es tellement beau mon amour!

Anonyme a dit...

Té vraiment fort Eric ! J'aimerais bien faire un bout de chemin avec toi. On se raconterait certainement de bonnes jokes.

Je m'imagine après quelques kilomètres avec toi... tu me dirais encore que si tu ralentis plus pour m'attendre... tu vas devoir marcher à côté de ton vélo... : )

Tes photos sont merveilleuses!
Toute la petite famille te salue!

Wally !

Anonyme a dit...

Salut Éric

Je suis une consoeur de travail de Monia je te trouve très courageux de faire ce que tu fais et c'est très intéressant ce que tu nous racontes et les photos sont super.

Lâche pas et bonne route

marie-josée T.