mardi 15 juillet 2008

Jour 31: I'm so happy

158 km. Cum: 4569 km.


Breckenridge, CO - Ça s'annonçait pour être toute une journée. Une initiation sans pitié aux Rocheuses, rien de moins. Comme je m'étais prélassé hier, je pouvais me permettre un départ très tôt. Je me suis levé avant le soleil, j'ai déjeuné à la chambre et j'ai mis les voiles à 6:00.


Déjà en commençant, je touche presque 2000m avant le 10e km, parti d'une altitude de 1680m. Il fait très beau et le paysage est époustouflant avec le soleil qui est encore bas. Je redescends un peu et je croise un cycliste qui a déjà une trentaine de km aux fesses. Il partage mon aversion des descentes dans les périodes de montée, cette impression d'avoir grimpé pour rien. Aujourd'hui, c'est plus pertinent que jamais, car mon objectif est de franchir le col d'Hoosier à plus de 3500m. Ainsi, tant que je n'ai pas atteint le point culminant, chaque 50m de descente se traduit nécessairement par 50m à remonter.


Alors aujourd'hui ce n'est ni la vitesse, ni la distance, ni la carte qui m'intéressent et c'est pourquoi je suis resté sur la fonction altimètre du GPS toute la journée. À chaque nouveau palier de 100m d'altitude, je me suis accordé une pause. Le paysage récompense l'effort de chacun de ces crans au centuple. À midi, donc six longues heures après le départ, j'arrive à Hartsel, à 90 km seulement du départ, à 2700m d'altitude.


Après une bonne pause, je me mets en route pour Fairplay, 30 km plus loin. Une large plaine venteuse me rappelle le Kansas, à la différence que l'horizon est tout en relief. Le vent est du nord et me fait des misères. À 2900m, un éclair déchire le ciel à quelques km devant moi. Je ne fais ni un ni deux et tourne à la fermette sur la gauche où je m'abrite dans un des bâtiments. La propriétaire arrive en voiture 5 minutes plus tard et comprend immédiatement ce que je fais là, car elle a perdu son fils il y a deux ans, foudroyé pendant son jogging en montagne. Moi-même un coureur, la drôle de coïncidence me fait plier les genoux. Elle m'invite à m'abriter sous le porche le temps qu'il faudra. On discute du coq à l'âne, des patrons d'orage, du vent et du climat local. Ses photos du dernier hiver sont impressionnantes.


Je repars après 45 minutes figurant que les nuages sont maintenant inoffensifs, mais à 10 minutes de Fairplay, je me fais poivrer pas à peu près, vent en prime, mais avec congé de tonnerre. À Fairplay, le soleil sort, je range mon jacket, prends une collation et à 15:50, je m'attaque aux 500m de grimpe qui reste. Je commence par passer à Alma, qui me colle la chanson "La Traversée du Lac St-Jean" des Colocs dans la caboche pour un bon bout de la montée. Plus loin, une affiche indique le sommet du col Hoosier à 4 milles. 3200, 3300, 3400... 3500m. Voilà le point culminant de toute ma route. L'altitude, la fatigue, la fierté d'avoir gravi 2000m aujourd'hui, je pleure de joie. Il n'y a que la pièce de Sting qui me tourne dans la tête "I'm so happy, can't stop crying...". Il s'est mis à pleuvoir de nouveau juste avant que j'arrive, il n'y a personne pour me photographier, mais ce n'est rien pour stopper mon euphorie. J'ai remis mon jacket et me suis lancé, à 17:15 dans la descente de 17 km jusqu'à Breckenridge.


Sting s'est fermé la gueule assez vite merci. Les premiers lacets sont vertigineux et demandent toute ma concentration. Après une pause pour me reposer les doigts, la pluie prend de la force et c'est un déluge qui s'abat avec le tonnerre qui gronde dans les sommets enneigés qui m'entourent. Je suis rapidement transi par le froid, mais je me dis qu'à 50 km/h, ce sera vite passé. Une voie en construction m'oblige à m'arrêter. Ce n'est jamais long, le signaleur me rassure, mais au final, c'est pendant 10 bonnes minutes que je me fais lavé sur place. Il pleut comme dans un film. Croyant repartir à chaque instant, je n'ai pas profité de ce moment pour ajouter des couches de vêtements et c,est alors complètement gelé, grelottant et frissonnant que je contemple Breckenridge à mon arrivée. Mélange de Bromont, Stowe et Mont Tremblant, ce n'est pas évident de trouver de l'hébergement abordable. J'opte pour le B&B conseillé par le seul cycliste que j'ai croisé ce matin.


Un col conquis par l'endurance, une descente vertigineuse, du vent, un orage esquivé, de la pluie torrentielle, un froid de canard, cette journée résume le voyage au complet. Il y a un cycliste un peu fatigué ce soir au Fountain Inn B&B, mais il est joyeux et Sting joue à pleine tête dans ses oreilles. Vent d'euphorie.


39.4832, -106.0438

1 commentaire:

Eric Garant a dit...

Salut mon bienheureux capoté!
Réalises-tu que tu viens de monter l’équivalent de 5 fois la montagne de Bromont!!! J’aime les montagnes et je sympathise avec toi qui si retrouve si heureux. En montagne, les randonnées ne sont jamais les mêmes. La cadence est élevée, nos pulsations montent mais la vitesse diminue et nos sens s’allument. Ça sens bon, l’air est pur… On remarque plus ce qui nous entoure, en entends tous les bruits, on se sent vivre!
Enjoy-it my friend! Live life to the max!!