jeudi 31 juillet 2008

Jour 47: Mordre la poussière

145 km. Cum: 6887 km.


Mount Vernon, OR - Je suis impressionné combien les motels sont bien tenus dans l'ouest. Peut-être aussi que je tombe bien, mais je suis sur une lancée de très bons endroits. Parfois c'est vieux, mais c'est toujours propre, il y a un frigo et un four à micro-ondes la plupart du temps pour moins de 50 $. J'en faisais la remarque à la gérante ce matin. Du coq à l'âne, elle m'a expliqué comment elle avait atterri ici. Elle avait visité un oncle quand elle était jeune et elle a passé sa vie à vouloir revoir son souvenir le plus durable: les montagnes derrière la ville (les monts Pocahontas). Un jour, elle a réussi à convaincre son mari de venir en vacances, il s'est trouvé un emploi sans le chercher et ils ont élu domicile. Pour ces histoires là, je prends un deuxième café, quitte à bouffer trente minutes de plus de vent dans l'après-midi.


Hier soir, j'ai soupé au restaurant avec Kyle au Barley Brown's Pub. Le meilleur repas depuis que je suis parti. Un bon plat de pâtes, une bonne bière noire locale et le pichet d'eau obligatoire. Kyle me rassure en me disant que pour lui aussi, l'alcool a un effet double dans ce voyage. Lui qui sort du collège, c'est une bonne référence. Ce fut très intéressant de partager nos impressions de voyage, alors que nous ne sommes pas du tout au même point dans la vie. Il cherche un endroit pour ses études de second cycle, avec des critères centrés sur sa passion pour le surfing, l'attrait de la ville et des gens. Missoula l'a beaucoup allumé. À son âge, j'avais des réflexes plus carriéristes et pragmatiques, mais son approche est peut-être gagnante. Quand on est joyeux, on génère nos chances plus facilement.


Je quitte Baker City à huit heures moins quart, le coeur léger. Dès le départ le désert recule, la rivière Powder agissant comme une corne d'abondance sur la végétation. Je grimpe de 500 mètres sur 50 km dans la fraîcheur matinale. Il fait soleil, aucun nuage, mais le gain d'altitude semble compenser pour un confortable 20 degrés. Plus je monte, plus la forêt de pins reprend ses droits.


À mi-côte, à 1200m, on annonce des travaux pour 33 milles. On scelle le gravier (chip sealing). Pas vraiment une bonne nouvelle pour Cannondale. J'ai hâte de jaser de ça avec mon beau-père, mais je trouve leur technique d'asphaltage plutôt compliquée. La chaussée est d'abord scarifiée sommairement; on répand grossièrement du gravier zéro-un-quart qu'on semble laisser se faire araser par les voitures; on goudronne, on recouvre de gravier; on compresse et on regoudronne. Pour la plupart des 33 milles, c'est à l'étape du zéro-un-quart. J'appelle ça du matériel à crevaison. En plus, mes pneus gonflés à 110 lbs font ricocher les cailloux dans ma chaîne et sur mon cadre. Et puis quand le signaleur laisse passer une filée de voiture, je me fais poivrer sans merci sur les jarrets, sans compter toute la poussière que ça soulève. Ce soir, j'aurai du sable entre les dents, c'est sûr.


Entre deux défilés de poussière, j'ai eu la chance d'observer un aigle perché sur son nid et entendre les aiglons quémander de la nourriture. Je suis sorti de la zone de construction sans avoir crevé en remontant le deuxième col. Il y avait trois buttes à grimper aujourd'hui, toutes trois culminant à 1600m. Je ne regrette pas d'avoir acheté les cartes de la trail à Missoula. Avant de partir, connaître le profil d'élévation permet une meilleure préparation. Aussi, ce matin je savais qu'il n'y avait aucun service sur les 110 premiers km. Au sommet de ces trois cols, le silence et la paix qui régnaient invitaient à rendre grâce à tout et surtout à tous ceux qui m'ont permis d'être là. Quel privilège. Eric Ouellet a eu l'honneur d'occuper soudainement mes pensées, pas tout à fait pour la sérénité du moment, mais parce que je me suis rendu compte que ma PowerBar était périmée de quelques mois. Eric m'en a déjà fait manger certaines qui était périmées de quelques années.


En redescendant du dernier sommet, j'admire le mont Strawberry qui s'élève de la prairie dans laquelle je vais rouler pour le reste de l'après-midi. Je fais une pause au point de vue judicieusement situé pour embrasser toute la vallée d'un seul coup d'œil. Doug qui déménage avec son fifth-wheel me fait une dissertation sur la route des pionniers. Très intéressant, mais il nous aurait fallu un plan. J'étais aussi perdu que quand Marc Hébert nous explique un plan de maison avec ses mains.


Pour une rare fois, le vent m'a momentanément fait perdre le contrôle dans la côte. Je n'ai pu retenir le vélo d'aller dans l'autre voie d'un coup sec. Je ne l'ai pas trop aimée celle là. Jusqu'à Mt Vernon, la route descendait doucement, mais ce qui aurait dû être un billet gratuit pour 40 km a été contrecarré par un vent constant de l'ouest. Rien à voir avec le Wyoming par contre.


Les journées se ressemblent en termes d'effort. Deux autres bons cols demain. Un géant après-demain. Les pentes se travaillent tellement mieux que le vent, je ne crains pas les cols, surtout qu'il y a toujours un nouveau panorama sur l'autre versant et nécessairement une descente. Ombre au tableau, je viens de voir à la sortie du village un beau losange orange : "Road work for 30 miles". Vent de poussière.


44.4180, -119.1140

2 commentaires:

Unknown a dit...

Salut Éric,

Enait de construction de route, nous aussi on a de drôle de méthode: si je me fie à ce que j'ai vu de la construction sur la 185 depuis deux ans, une couche de terre, une couche de neige, une couche de terre, une couche de neige...

Vent de St-Honoré

NoFear a dit...

Ouain, j'part quelques jours en camping et quand je reviens et essai de reprendre la lecture perdue, je me rend compte que tu te pais ma tête...Tu ne perd rien pour attendre. J'avoue par contre avoir tendance à donner un peu trop de détails, mais c'est seulement pour permettre à certaines personnes plus lente d'esprit de bien comprendre ce que je te de leur expliquer... ;-)
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