mardi 8 juillet 2008

Jour 25: Le tapis roulant

181 km. Cum: 3766 km.


Larned, KS - Invariablement, quand je me réveille, le rêve qui s'interrompt a pour scène ma vie normale, au travail, à Bromont, avec ma douce, les amis, la famille, etc... Ironiquement, je suis en train de réaliser un rêve en faisant ce trip à vélo. Je crois y lire le message que ma vie rêvée est à Bromont et tous ces km sont une quête vaine et futile comme dans L'Alchimiste de Paulo Coelho :-) [s'il est introuvable en librairie, vous pouvez le trouver au Sac à Mots à Cowansville]. Au lever, le moment le plus difficile de la journée, je dois combattre l'inertie de la loi du moindre effort et remettre la machine en marche. Constamment garder le cap dans cette itinérance, surtout dans les aspects les plus utilitaires (ravitaillement, entretien du corps et du vélo, préparer la monture), c'est le défi pour que tout le reste demeure plaisant. Après les cinq premiers km, le rêve continue et je rayonne de bonheur. Dans ce mouvement constant, on se sent vraiment vivant.


Quand Sarah se joint à Andy et moi dans la salle à déjeuner, elle porte déjà son jacket et nous annonce que les prévisions locales donnent un pronostic d'orages et de pluie pouvant atteindre 1 pouce. Je fais la moue et la rassure que j'entends cette prévision depuis le Kentucky et que ça s'est rarement matérialisé. Le déjeuner continental du Days Inn est ici au dessus de la moyenne et je me défonce comparativement à Sarah et Andy. On termine ce court repas sachant que nous ne nous reverrons probablement pas. Leur journée d'hier était exceptionnelle en distance et aujourd'hui, ils ne comptent faire que 100 km.


Je mets les voiles à 7:10 et je constate que le vent s'est calmé de moitié par rapport à la veille. Je mouline les km par dix s'en trop m'en rendre compte. Faire contact avec des étrangers dans une rencontre si condensée force à résumer son existence dans de courts discours d'ascenseur. D'où on vient, nos intérêts, nos passions, nos expériences, où on en est et où on s'en va. Ces rencontres nous force au bilan et ce matin, je ressasse tout ça réalisant combien j'étais dans le champ il y a dix ans et combien je suis bien aujourd'hui. Je réalise non seulement que j'ai vieilli, mais qu'encore mieux, j'ai grandi.


80 km et une courte averse plus tard, je suis à Nickerson, petit village sympathique où je prends le temps de déguster des fruits frais au IGA, redéjeuner au Sunshine Café et me ravitailler au Kwik-Stop. Aux trois endroits, le même vétéran de la guerre qui semble me suivre finit par me dire qu'il va faire ce voyage un jour, d'une façon qui le fait un peu sentir de "notre" gang. Tant mieux.


Après une heure, je pensais voir sourdre Andy et Sarah, mais non, alors à 11:45, je m'engage sur la route de Larned. À partir de maintenant, le planning devient très important. Les villes se distancent et partir ce midi en direction de Larned à 100 km signifie que je dois nécessairement m'y rendre, car il n'y a que des vaches, du blé et du maïs entre ici et là. Comme Andy le disait si bien, on appelle ça se commettre.


Le vent a pris un peu de force, mais ça demeure roulable. Petit à petit, je vois se préparer la promesse des prévisions locales et croyez moi, sur cette plaine, on voit venir les promesses de loin. Un mur d'eau au 120e km m'a fait regretter ma boutade de ce matin concernant la pluie. Ça s'est mis à tomber comme une vengeance. J'étais dans une réserve faunique, aucune chance de m'abriter, alors j'ai continué à rouler. Mes souliers se sont transformés en fontaine, à chaque pression du talon, l'eau giclait gros comme le pouce. Ça a duré 20 minutes. On se sent très vivant quand ça arrête.


Dans les 100 km qui séparent Nickerson de Larned, il n'y a pas une courbe, pas un virage, c'est droit comme le bâton de final bâton. L'énigme n'étant pas résolue, on ne peut affirmer que ce bâton est droit, mais on dit droit comme une barre et j'ai déjà vu des barres croches (et aussi des bars croches). En tout cas, cette droiture dans cette planchure donne l'impression de pédaler sur un tapis roulant. On voit venir les voitures pendant 10 minutes et le paysage est plutôt redondant. Magie des mots, la réserve faunique entre les deux villes s'appelle Quivira. Disons que j'ai trouvé le dernier 20 km un peu long et... plat.


Les odeurs sont un peu bizarres dans les derniers milles. Ça sent le pétrole de temps en temps. Après une grosse pluie, supposément que ça sent l'ozone. Ici, ça sent plutôt l'eau jaune. Même ici dans le village, il y a des effluves d'urine. Il y a de grosses installations similaires à ce qu'on voit à l'Ange-Gardien en Montérégie, ça explique peut-être l'odeur fétide...


Demain, il n'y a pas d'orages dans le pronostic et il parait que le vent viendra de l'Est. J'ai le choix d'un 50 km jusqu'à Rush Center ou 195 km jusqu'à Scott City. Faudra me commettre après 50. Vent d'engagement.


38.1889, -99.0976



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5 commentaires:

Unknown a dit...

Salut Éric,

J'arrive de la game de baseball où les Braves ont perdu en 7e manche 6 à 4 contre Rimouski avec qui ils sont maintenant en égalité à la tête du classement.

Macaire était présent et on a donné ça dur aux arbitres. D'ailleurs Denis Bouchard nous a avisé que certains arbitres avaient pris la décision de ne plus revenir à Cabano...

Je t'ai senti un peu nostalgique dans le début de ton commentaire... si ça peut te faire sourire, lorsque j'ai vu la photo des vaches, je me suis rappeler Yvonne qui nous racontait sa vache qui adorait bouffer les caleçons à grand-papa sur la corde à linge... te souviens-tu comme on avait ri à cette image...

Lâche pas on te suis à chaque étape...Vent de souvenirs...

Jeepee

Anonyme a dit...

Final Bâton tient son origine du phénomène physiologique constaté notamment lors d'exécutions de prisonniers; l'étendue et la diversité du lectorat de ce blogue m'empêchent de spécifier le mécanisme impliqué. Inutile de préciser qu'il s'agissait effectivement de l'ultime manifestation du bâton, d'où la qualification de "final".

Famille Beaulieu a dit...

Salut Éric, c'est beau ça : "Je réalise non seulement que j'ai vieilli, mais qu'encore mieux, j'ai grandi." C'est signe que ça travaille fort, car on grandit toujours dans l'adversité et à travers les épreuves et non dans la facilité. Pour l'expression "final bâton", les américains l'utilise pour le dernier relais dans la course à relais.. mais ça explique pas l'origine... Lâche-pas et grandis pas trop ! :-)

Anonyme a dit...

"Range le livre, la description, la tradition, l'autorité et prend la route pour découvrir toi-même."

Krisnamurti.

Anonyme a dit...

Salut Eric, Je suis avez Yvan à mon bureau, on jasait de tes spots rouge sur les jambes. Ça serait bon que tu te procure un gant de "crain", ça va éviter l'infection à cause des poils incarnés!

Tony