mercredi 23 juillet 2008

Jour 39: Une tisane ou une cigarette

171 km. Cum: 5697 km.


Sheridan, MT - Après avoir traversé deux parcs nationaux, j'avais un peu la crainte d'être déçu par la route d'aujourd'hui. Dès le départ, la route s'engage le long de la rivière Madison et ne la quittera plus avant Ennis mon premier escale à 115 km.


La rivière s'enfle d'abord pour former les lacs Hebgen et s'engage dans un étroit canyon dont la majesté des monts qui font remparts constitue une suite logique aux merveilles des derniers jours. C'est une beauté moins clinquante, plus tranquille, moins tonitruante, plus apaisée. C'est comme la tisane relaxante après le gros dessert sucré, la cigarette après l'amour. Hmm, je n'ai jamais fumé, mais on voit toujours ça dans les films lors des rencontres illicites. Maintenant qu'on ne peut plus fumer à nulle part, peut-être que c'est devenu une bonne excuse de sortie pour l'amant qui veut s'épargner la conversation qui s'en suit. Je m'écarte du sujet et je parle de choses que je ne connais pas, alors revenons à nos moutons.


Le canyon se referme sur un lac formé par un glissement de terrain conséquence d'un tremblement de terre en 1959. La route sur laquelle je roule avait été inondée de plusieurs mètres. Pour éviter que ce trop-plein se déverse dans la vallée, la garde nationale avait alors creusé d'urgence un canal de déversement, comme ils ont dû faire en Chine cet hiver. Ça ressemble encore à un immense chantier, 50 ans après. Ironiquement, 10 km en amont, un barrage hydroélectrique crée un lac artificiel. C'est fou comme l'humain s'entête à recréer ce que la nature avait déjà fait pour lui.


Ensuite, la vallée s'élargit suffisamment pour créer une belle prairie à l'équerre de chaque côté de la rivière entre deux massifs montagneux. C'est le paradis des pêcheurs à la mouche. La pente légèrement favorable qui suit le courant combinée au léger vent sud-est me pousse sans bon sens. Ça donne des vitesses record pour des efforts minimaux. 15m 20s pour une section de 10km, ça commence à faire vite. À Ennis à 11:30, j'avais perdu 500m d'altitude.


J'ai pris une pause très plaisante au Cowboy Heaven Cafe, avec un très bon sandwich et un smoothie. Au dépanneur, pendant que je fais le plein de Gatorade, un quidam me demande d'où je viens et où je vais avec son haleine de whisky. Je lui fais le boniment habituel et il compatit avec moi, car ici "ce n'est pas mêlant, n'importe où tu vas, il faut monter une côte". Il me pointe les nuages et il pense que c'est un peu malade de risquer de se faire prendre dans un orage. Je lui explique qu'il y a toujours un abri pour se couvrir quand le tonnerre gronde. Il me souhaite bonne chance pour la côte qui s'en vient.


Je prends toujours les indications des passants avec un grain de sel. Ils sont de bonne foi, mais si la personne trouve difficile de faire 10 km de vélo, je ne peux me fier à son opinion pour le degré de difficulté d'une section de 50 km. Il y a aussi que la perception d'un automobiliste est parfois non applicable à la réalité du cycliste. Par exemple, la plupart des gens qui travaillent chez IBM croient qu'après la côte de Thomas & Betts, c'est planche jusqu'à Granby, jusqu'à temps qu'ils le fassent à vélo.


Ça monte pour sortir de Ennis ? Ça monte. Ça monte 600m sur 15 km ! Les gros nuages ? Les gros nuages. Il s'est mis à pleuvoir sans merci et le tonnerre s'est mis à gronder. Un abri ? Zéro abri, exposition totale, un chicot d'arbre aux 500 pieds. Quidam de malheur. Heureusement, le tonnerre a tourné autour du pot et un seul éclair m'a vraiment glacé le sang. Au sommet, un replat, le soleil sort pendant qu'il pleut encore et sauf pour les pieds, je suis sec 5 km plus loin grâce au cycle de séchage prodigué par la redescente. Ces 5 km de descente mènent à Virginia City, village touristique resté figé en 1890. Aucune trace de l'orage. Je rencontre 4 cyclistes qui forment un groupe de 5, un des leurs étant missing-in-action. Ils n'ont pas l'air à chercher fort fort. Ils sont en direction de l'ouest, peu bavards et semblent épuisés. Ils sont partis d'Ennis...


La route planche et le vent du sud-est continuent de me pousser vers Sheridan sans trop d'effort. J'en profite pour admirer ce paysage tranquille. 15:30 à la porte du motel qui offre beaucoup pour beaucoup moins cher que les détrousseurs de Yellowstone.


La sirène du village a retenti peu de temps après mon arrivée. Je n'en fais pas de cas et j'appelle ma douce. Pendant que je lui parle, bing bang bing bang. Monia a l'impression que je lui parle à côté d'une machine à pop-corn, mais non, c'est de la grêle qui tombe. De la grêle pour adultes, grosse comme des trente-sous. Le déclin de vinyle du motel est tout percé, toutes les fenêtres de l'école élémentaire sont cassées. Je m'imagine un instant ce que ça aurait pu vouloir dire pour un pauvre cycliste solitaire sans abri... Vent de bonne fortune.


45.4540, -112.1973

3 commentaires:

Anonyme a dit...

Comme quoi les conseils des veux passants sentant le whisky peuvent parfois être précieux :-)

Eric Dube

Unknown a dit...

Salut Éric,

Continue avec la tisane, c'est moins dommageable...

En passant, on ne fait jamais fi d'une sirène!!

Vent de sagesse!

Anonyme a dit...

Bonjour Éric!!!
Très bonne idée d'avoir mis la carte à Garant en haut à droite...
Hey! Presque la moitié de complété. Wow, tout ça avec une seule journée de pause!!! You my man ;-).
Lâche pas!